SALUT LE BOSS !


Jean-Pierre Jullian connaissait les femmes. Et les hommes. Et du coup il ne fera pas trois tours dans son cercueil en lisant, d'en haut, l'hommage rendu par le journal local. Aller interroger Renaud Lagrave, que le Maire de Saint-Pierre-du-Mont durant trois mandats ne pouvait pas voir en peinture, voire affublait de noms d'oiseaux, est assez cocasse. 

Quand son autoproclamé successeur parle de vente de saucisses, ça doit être par vengeance car il n'a pas dû oublier qu'il n'a jamais été soutenu par celui dont il se sentait si proche. Il n'avait pas compris qu'une victoire se gagne avec les dents, avec les tripes, et c'est ça qui aurait plu à Jullian. 

Pour être proche il valait mieux être cultivé, le maire étant féru de littérature et de musique classique. Amateur aussi de mets fins, d'alcools forts et de tabac. Il a gardé durant tout ses mandats la même personne comme adjointe à la culture, comme Mitterrand avec Jack Lang, et beaucoup de choses ont ainsi été initiées à Saint-Pierre-du-Mont. 

Mais ses proches étaient partis, Jean-Philippe Prugnaud, qui habitait son bureau ou celui des finances, amateur lui d'opéras, et Jacques Berbessou, toujours prêt à dégainer un bon mot, l'attendent là-haut depuis quelques années.
Restent les fidèles Philippe, l'autre JP, et son épouse, qui a été surprise de passer d'un mari-maire absent à un mari plus maire trop présent. 

Non une page ne se tourne pas, elle a été tournée six ans plus tôt, quand on l'a poussé à ne pas se représenter, lui qui aurait encore remporté la mairie haut-la-main. Le symbole d'une époque finie est parti, laissant le souvenir d'un homme libre, cultivé, qui aimait qu'on lui tienne tête et méprisait ceux qui s'écrasaient. Et il était souvent méprisant. 

Il en savait presque autant sur la maladie que les médecins, à qui, même à la fin, il dictait son ordonnance. Il pouvait conseiller le bon chirurgien aux employés de mairie comme à ses amis, leur proposant de l'argent s'il y avait dépassement d'honoraire. Je me demande même s'il ne connaissait pas le Vidal mieux que le Code Civil. 

J'ai travaillé pendant quatre ans avec lui, ce qui n'est pas beaucoup. J'ai pensé donner ma démission environ une quarantaine de fois. Il était impossible, mais d'un autre côté j'ai tellement appris. Il ne répétait jamais deux fois la même chose, il valait mieux comprendre rapidement. Pas comme son successeur qui dans une phrase répète deux fois la même chose, puis fait une seconde phrase pour le redire. 

J'ai aimé travailler pour lui, parce qu'il fallait être toujours dans l'action, chaque jour était comme un défi. J'ai détesté qu'il me hurle dessus, qu'il me balance des phrases humiliantes, ou me congédie d'un « dégage ». J'ai parfois rasé les murs pour ne pas qu'il me repère. J'ai parfois aimé qu'il me dise « dégage » quand ses yeux souriaient. Il était toujours précis dans ses demandes et ses formulations, pas comme son successeur bafouillant. Il savait ce qu'il voulait : le bien des Saint-Pierrois. 

C'est lui qui avait créé la Plateforme Sociale pour que les habitants les plus précaires puissent trouver toute l'aide dont ils avaient besoin dans un seul endroit. C'est lui qui avait créé le Pôle Culturel, car il adorait les orchestres symphoniques. Mais par un mauvais coup de dés, il n'était plus président de l'Agglo, qu'il avait créé aussi, lors de son inauguration, et je pense qu'il n'y a jamais mis les pieds. Par un autre coup de dés, ce serait bien qu'on rebaptise l'école de musique à son nom. 

On l'appelait "le Boss" parce que c'était lui le Boss.
J'ai essayé de son vivant de lui faire son portrait sans jamais y parvenir. Il m'aurait sûrement dit "mais t'as rien d'autre à foutre? " Et puis hier soir c'est venu tout seul... Salut le Boss. 

isa du moun

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