De Captieux à Eauze, pérégrinations d'un aficionado

(photos Matthieu Saubion)

Après un mois de Mai très calme pour les aficionados du Sud-Ouest, date tardive de Pentecôte oblige, le mois de Juin et le début juillet ont été riches en événements.

Tout a commencé à Captieux où les novillos n'ont pas répondu aux attentes des organisateurs .

Le principal est bien évidemment la Féria de Vic. Cette édition 2019 a été d’un bon niveau. Pas de grand moment mais une somme de moments intéressants répartis du premier au dernier jour. Côté déception, la novillada d’El Retamar n’a pas été au niveau de celle de 2018. Le meilleur lot de toros a été celui de Cebada Gago. Très bien présentés, les toros ont été intéressants du premier au dernier  tiers. Face à eux un Chacon en perte de vitesse et un Ruben Pinar insipide. Le triomphateur, grâce à un ¨Président généreux, a été Thomas Dufau. Même si la sortie à hombros est exagérée, le torero landais a évolué et en particulier avec une main gauche plus affirmée. Est-ce l’effet Sanlucar ?

La concours est un évènement  attendu. Cette année, elle a été intéressante même si aucun toro ne méritait le titre. Le meilleur au cheval a été le La Quinta mais le toro, bon à droite, ne chargeait pas sur la corne gauche. Les meilleurs à la muleta, le Flor de Jara et le Pablo Romero, ont été quelconque au premier tiers. Côté toreros, Domingo Lopez Chaves a confirmé qu’il était un grand monsieur, torero sincère et grand lidiador. Rafaelillo n’a pas forcé son talent. Lamelas dans son jardin dans la capitale taurine gersoise  a été honnête mais son immense courage n’arrive plus à masquer ses  limites techniques. L’après-midi les cinq premiers Dolorès Aguirre ont été mansos et décastés mais sans créer l’émotion habituelle. De Javier Jimenez et Gomez del Pilar, seul le second a donné envie de le revoir. Il y a quelques années, un Dolorès manso perdido avait révélé Alberto Lamelas. Cette année, après cinq mansos et alors que le public ne rêvait que de quitter les arènes, sort un toro plus noble. Pacheco, le plus motivé de la terna, ne passe pas à côté de l’occasion. Porté par un public, enfin sorti  de son apathie, Miguel Angel construit une faena sincère, intéressante et très bien conclue à l’épée. Une oreille pour le jeune torero et un engagement immédiat pour remplacer De Justo face aux Pedraza.

Les organisateurs vicois ont décidé de mettre la non piquée, qui n’a jamais trouvé son public en Septembre, le lundi matin de la Féria de Pentecôte. Le résultat économique n’a pas été plus mauvais. Le résultat artistique a été excellent  grâce à d’excellents erales de Pagès-Mailhan et aux deux jeunes toreros. Solalito a toréé avec efficacité et une certaine classe Dommage que Solal ait  toujours un peu de mal à se départir de son sérieux pour communiquer plus avec le public. Christian Parejo a été excellent face à son premier eral et appliqué face à un second, le moins bon et le plus compliqué du lot.

Le Jeudi, certains ont piscine. Pour les vicois, le Lundi c’est toreros classés plus haut dans l’escalafon et  Pedraza. Malgré l’échec  de l’édition 2018, le CTV a décidé de faire appel de nouveau à cet élevage. Le cartel initial avait fier allure. Malheureusement Emilio de Justo a du déclarer forfait. Son remplaçant Pacheco  n’a pas démérité mais la marche était quand même haute pour un torero qui n’avait que deux contrats à son actif (alternative comprise). Juan del Alamo,  qui a entendu les trois avis à son second et failli les entendre à son premier,  semble totalement  hors de forme. Un torero qui lui est en forme, c’est Daniel Luque. Le torero de Gerena auteur d’une bon faena à son premier, a sorti le grand jeu au quatrième toro de la tarde. Le toro n’avait rien pour lui, manquait de forces et de charge. Comme le Ponce des grands jours, Luque a inventé un toro, corrigeant les défauts avant d’enchaîner de superbes séries des deux mains pleines de temple et d’élégance. Gros succès et sortie à hombros pour celui qui, dans le Sud-Ouest triomphe à chaque fois qu’il est programmé. Côté toros, très bien présentés mais sans les excès de poids de l’an passé, ils ont été intéressants au cheval quoique plutôt mal piqués (à l’exception d’un très grand puyazo de Gabin Rehabi au sixième). Au troisième tiers, ils ont transmis de l’émotion, non par leur noblesse mais par leur mélange de caste et de mansedumbre.
Après ces bons moments vicois, direction Aire sur Adour. Depuis quelques années, les aturins essaient de redorer le blason de leurs arènes.  Les Arsouillos ont quitté la Junta et organisent leur propre novillada en Mai. Pour la corrida de Juin, les membres de la Junta ont décidé de monter un cartel «intermédiaire» ,entre ceux montés les années précédentes dont les résultats financiers et artistiques ont été mauvais, et une corrida plus brillante avec des figuras et des toros adaptés  qui ne correspondent pas à leur vision de la tauromachie et dont la rentabilité est plus que faible même en affichant un lleno de « No Hay Billetes ».


Le cartel avec un torero lidiador et artiste (Luque) qui a besoin de confirmer son renouveau actuel et deux toreros vaillants et dont le sérieux n’est plus à démontrer  a bien fonctionné .Le bétail sans être exceptionnel a servi Si  le nombre d’oreilles coupées peut paraître exagéré , les spectateurs sont sortis contents des arènes . Luque a su enthousiasmer même les aficionados montois et exigeants. Et quel régal de voir Robleño  prendre du plaisir a toréé un toro moins compliqué que ceux qui constituent son ordinaire.
 C’est peut être cela, l’équilibre qui peut permettre à de petites arènes et des clubs taurins organisateurs de survivre. La corrida dure est  très aléatoire et quand elle ne fonctionne pas est rébarbative pour le spectateur lambda. La corrida de vedettes remplit les arènes mais est difficilement rentable et s’accompagne de pratiques (petits toros, afeitados) qui ne sont pas conformes à l’éthique des socios organisateurs. 
La corrida «intermédiaire» semble être une voie intéressante pour ceux qui veulent maintenir une corrida au programme de leurs fêtes taurines. Mimizan s’est engagé depuis deux ans avec des résultats économiques variables . Gamarde est en plein dans ce créneau et continuee son petit bonhomme de chemin.  Saint-Sever a rempli ses arènes avec ce type de cartel. Si les Victoriano del Rio (et Toros de Cortès) sont un élevage de garantie, ce que le envoie dans une arène de troisième catégorie n’est pas la pointe de camada

. L’affiche était plutôt bien monté avec une figura (Castella), un torero français local  (Dufau) et une opportunité offerte à un autre français (Clemente) qui toréé peu.  Cela a bien fonctionné à la taquilla mais aussi en piste, même si, on peut critiquer ( et on le fera plus loin les présidents de ces courses). Castella a été pro, Dufau a confirmé ses progrès. Clemente, crispé à son premier toro, a été excellent au sixième toréant avec beaucoup de sérénité et de classe, dommage qu’il manque d’officio avec l’épée.
Autre corrida  «intermédiaire» qui a bien fonctionné, La Brède où Luque, une fois de plus, a été exceptionnel à la muleta mais a mal tué. Pour le reste, entrée honorable, public satisfait (et aussi hélas des choses à redire sur la présidence) avec un Leal, revenant de blessure, courageux et un Juan Ortega, torero fin mais un peu froid.
Même Vic a évolué en ajoutant une course plus « toreriste » le lundi et en 2017 et 2019, cela a fonctionné.
A toute démonstration, il faut une exception qui confirme la règle. Depuis deux ans, Eauze  fait des entrées faibles pour des corridas qui ne fonctionnent pas. Mais  mélanger le rejon, à l’opéra et  la tauromachie à pied ou mettre El Fandi en tête d’affiche, un samedi de surcroît, c’est vraiment aimer les courses à handicap. Le public a besoin d’un minimum de garantie pour se déplacer.
Le constat est dur pour un pur  toriste ou un pur toreriste. La réalité du marché  fait que les petites arènes, si elles veulent monter des corridas devront faire des concessions à cette corrida « intermédiaire »  plus accessible pour le public, au résultat  artistique  presque garanti et moins coûteuse à monter.
Aux grandes arènes resteront les corridas de figuras et aux organisateurs « plus romantiques » , les novilladas en   souhaitant à tous de ne pas y laisser trop de plumes et aux seconds de suivre les traces de Garlin qui après des années de travail a affiché cette année la pancarte « No hay Billetes » au dessus des guichets.

Se pose depuis le début de l’année, en Espagne et en France, le problème des présidences.  Chez nous, à  la pression du mundillo, des organisateurs et du ^public, s’ajoute l’absence totale de pouvoir de sanction.  Pour une arène comme Boujan qui obligent des picadors indélicats à remonter leurs piques correctement ; combien , comme à Eauze, laissent faire. Je n’aime pas entendre dire que les palcos sont constitués de copains de l’organisation  et qu’ils sont incompétents. Au palco, en particulier dans le Sud-Ouest on trouve des aficionados passionnés qui connaissent la corrida . Le seul problème, c’est qu’aimer le rugby ne fait pas de vous un arbitre. La FSTF essaie de monter en compétence les personnes appelées à monter au palco ; C’est bien mais insuffisant car connaître le règlement ne fait pas de vous un bon arbitre. Il faut des qualités de psychologie, de prise de recul, de capacité à appliquer la  façon  stricte la règle tout en privilégiant l’esprit. On doit accepter le compromis tout en se faisant respecter. Et  je passe sur la résistance au stress  et à la pression surtout pour ceux qui ne montent au balcon qu’une fois par an ou qui président à Vic ou Mont de Marsan.  Comme en matière d’arbitrage, la constitution d’un corps de présidents et assesseurs,      de triplettes stables et complémentaires , leur formation y compris par des toreros sur la techniques et par des vétérinaires et  ganaderos  sont le seul moyen de redonner de la crédibilité  à la fonction  Parallèlement, Il est absolument nécessaire de donner aux présidents la possibilité de sanctionner le non respect du règlement ou de l’éthique  et ce n’est pas la chose la plus simple à faire.
Je ne voudrai pas terminer ce bilan sans rendre hommage aux organisateurs de Boujan pour leur courage. Ils ont pris le risque de choisir des élevages inédits ou qui sortent peu . Le résultat n’a pas été à la hauteur de leur investissement , mais un jour cela payera comme à Parentis (découverte des Valdellan et des Los Maños) ou à Garlin ( découverte des Pedraza de Yeltès).  Ils ont eu le courage de se faire respecter des piqueros et pour cela Bravo, Merci et Continuez. Et ils ont offert à Francisco  Montero, maletilla habitué des toros de 600 kg dans les capeas,  l’opportunité de se vêtir de lumières^. Le garçon a été bon malgré le manque d’officio .  Il était à la fois émouvant  et rafraichissant de le voir se donner à fond et même pleurer en toréant ému et heureux qu’il était de vivre sa passion.
Thierry Reboul
Prochain rendez vous après la Madeleine pour un bilan complet de la partie taurine des Fêtes .


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

SALAMANCA 23

LES VISITEURS - LA RÉVOLUTION

YHANN KOSSY & LUCAS VERAN