LE NOUVEAU ROMAN de PATRICK FORT

J’ai eu l’heureuse surprise de retrouver Léopold Pujo, un gars de Générès. Comme moi, il est forestier et, par le passé, nous avons souvent travaillé ensemble, dans la même équipe. Il est arrivé hier et a été versé aujourd’hui dans notre compagnie. Pourtant, j’étais certain qu’il serait réformé ou exempté. Les militaires ratissent large pour être allés le chercher. Ce n’est pas un mauvais bougre. Il connaît bien son travail et on peut lui faire confiance. Mais il est un peu simplet. « Pépiot » comme on dit chez nous. Il ne comprend pas souvent ce qu’on lui demande. Quand vous lui posez une question, il vous dévisage, se gratte l’oreille et reste planté là, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés. Enfant, il a pris un coup de sabot sur la tête. Il avait échappé à la surveillance de ses parents pour s’allonger entre les pattes d’un canasson. Il est arrivé ce qui devait arriver. Sa mère l’a veillé pendant une semaine. Le fossoyeur se tenait prêt. Mais par miracle, il s’est rév...