Entre Séville et Garlin, j'ai fait mon choix
photos Romain Tastet
Séville :
Polémique et ennui
Avant de
parler des moments d’Aficion et de convivialité partagés par ceux qui se sont
déplacés à Garlin, parlons de ce qui fâche. La Féria de Séville bat son plein.
Chaque soir la Maestranza voit défiler en piste toros et toreros. Je ne suis
pas un fan de cette arène et de son public. Il me fait penser à celui de Roland
Garros avec quelques spécialistes érudits, un fond de connaisseurs et beaucoup
de personnes qui sont là parce que les courts de la Porte d’Auteuil sont l’endroit
où il faut se montrer et se faire voir. On est loin de l’Aficion intransigeante
de Las Ventas, un jour de San Isidro ou de celle déjantée de Pampelune. J’aimais
bien ce public andalou quand il s’enflammait pour Curro Romero. Il avait ce côté irrationnel,
passionné et subjectif qui est l’essence même de la tauromachie. Aujourd’hui,
il est devenu conformiste, bling-bling et se plie aux modes que certains
acteurs du Mundillo veulent lui faire avaler. Loin de moi, l’idée de lui
imposer ma vision de la corrida. Certains aiment André Rieu, moi je préfère Natalie
Dessay et le Philharmonique de Berlin. Chacun est libre de rechercher ce qu’il a
envie quand il achète son billet de corrida. Mais de là a dire que ce qu’on a
vu depuis le début de la Féria est l’avenir de la tauromachie, revient à être
au bord d’un précipice et de faire un grand pas en avant.
Cela nous
rappelle ce qu’à vécu (et vit encore) Nîmes. Casas a créé les corridas
matinales en cherchant, et il ne s’en cachait pas, à viser un public plus sélect,
plus attentif et réceptif et forcément soumis. Il a fait fi de l’Aficion
locale, des clubs taurins et la CTEM , allant jusqu’à leur faire un doigt d’honneur.
Très rapidement au milieu des
bieeeeeeens qui montaient du callejon ont défilé en piste les figuras pour affronter
des toros au physique de novillos. Triomphes, indultos et évènements
médiatiques se sont succédé. Résultat, malgré la diminution de sa capacité, l’amphithéâtre
nîmois ne fait plus le plein. (3500 le lundi alors que la dernière journée était
jour de lleno avec un public à majorité local).
On a vu sur le sable de la Maestranza depuis une
semaine, des toros limites de présentation, sans race et des faenas
stéréotypées et génératrice d’ennui. On demande et obtient des oreilles même
après des estocades crapuleuses face à un toro imprésentable. Et qu’on ne me
dise pas que je n’y étais pas. Nous sommes en 2018 et les corridas sont
télévisées. Fini le temps des reseñas écrites à coup de pourboires, n’importe
quel aficionado peut se faire son opinion et pas besoin d’être sur place pour
se rendre compte que le Domecq sévillan a perdu sa caste.
Le summum de
la bêtise a été atteint avec l’indulto d’un toro de Garcigrande. Aujourd’hui on
indulte des toros qui, il y a peu, auraient juste eu droit à une vuelta. C’est
la mode et cela fait chic de gracier un toro par féria. Walt Disney a fait son
office et Ferdinand va devenir un nom prisé au campo. D’ailleurs, on parle de l’indulto
du Juli, comme quoi ce qui compte c’est de faire de la com et du buzz autour d’une
faena et pas autour de la bravoure et la caste de l’animal. Le Juli a réalisé
une grande faena, c’est un très grand technicien. Il a forcé le trait à coup de
regards sévères envers la présidence pour obtenir cet indulto qui le relance à
un moment de sa carrière où la sérénité et la maîtrise de Ponce et quelques
jeunes toreros aux dents longues le
mettent sur la touche. Du coup, dans une arène de première catégorie, un toro
inexistant à la pique, docilement noble a été gracié. Il est fort probable qu’il
rejoindra la liste des toros indultés qui sont éliminés rapidement car très en
dessous de ce qu’il faut avoir de qualités pour faire un semental acceptable.
On retiendra de cette course que le Juli a coupé quatre oreilles dans une
atmosphère « d’émotion préfabriquée » et la majorité des personnes
présentes se moque royalement de l’avenir de la Cabaña et de la Fiesta Brava.
Garlin : le retour des vrais toros de Pedraza de Yeltès
La journée
taurine de Garlin a pu avoir lieu grâce au travail des membres du club taurin
local qui a mis en œuvre tous les moyens pour maintenir la piste en état malgré
les conditions météorologiques exécrables. Certains organisateurs, y compris
professionnels, devraient en prendre de la graine, qui annule, deux jours avant,
leurs manifestations sur la foi d’un bulletin météo pessimiste.
Sans
atteindre le niveau des Miralto et consorts, le lot de Pedraza, très bien
présenté, par son homogénéité, sa caste a donné du jeu et du relief à la novillada
garlinoise.
Certes le
troisième exceptionnel à la muleta, et très moyen au cheval malgré un premier tiers scénarisé me fait penser au lot de Dax
de l’an passé. Mais les autres et en particulier le premier très brave et noble
mais malheureusement mal piqué à la première rencontre et peu mis en valeur par
le torero et le dernier sérieux et exigeant, très bien en valeur par Dorian Canton
m’on réconciliés avec cet élevage
Les quatrième
et cinquième issus de l’apport de sang
Baltasar Iban ont été intéressants mais malheureusement trop justes de force.
Côté toreros,
Angel Jimenez a surpris par sa finesse et son élégance lors de sa faena face à
son second novillo ainsi que face à celui qu’il a tué lors de la Fiesta Campera matinale. Ce garçon plus
tout jeune, mérite d’avoir plus d’opportunité. Antonio Grande a été intéressant
face au second, faisant preuve de courage et de technique face à un bicho
exigeant. Il est passé complètement à côté du cinquième.
Dorian
Canton, porté par son public a su mettre en valeur le noblissime troisième en
le toréant à la bonne distance et en baissant la main exactement comme il
fallait. Dommage qu’il tue très mal. Il a mis en valeur son courage, son
aguante et sa capacité à peser sur un toro face au sixième novillo quasi toro
par l’âge et toro par la morphologie et le comportement. On peut chicaner sur
la seconde oreille mais peu de toreros avec si peu d’expérience s’en seraient
sortis aussi bien dans de telles circonstances.
Eliminé le matin,
Rafael Gonzalez, qui a coupé dans la foulée une oreille à Madrid mérite d’être
revu.
6 novillos de Pedraza de Yeltès, encastés, braves et donnant du jeu pour
Angel Jimenez : une oreille, une
oreille
Antonio Grande : un avis et une oreille,
salut au tiers
Dorian Canton : salut au tiers,
deux oreilles
Vuelta au troisième novillo
Quatorze (vraies) piques, deux chutes
Cavalerie Bonijol
Salut de Marco Leal et Miguelito au
premier et d’Asier Echaniz Campos au sixième
Ovation à Laurent Langlois après le
tercio de piques du troisième
Salut du mayoral à l’issue de la
course
Prix au meilleur tercio de piques
partagé entre Laurent Langlois et Curro Sanchez. Il aurait du être accordé au
seul piquero français auteur d’une très belle seconde pique au troisième.
Prix au meilleur novillero attribué à
Dorian Canton.
On aurait pu accorder un accessit à
Angel Jimenez qui a été omniprésent en tant que chef de lidia.
Sortie à hombros de Jimenez, Canton et
d’Ignacio Sanchez (ganadero) et du mayoral à pied faute d’un quatrième porteur.
Météo exécrable, crachin et froidure
Président Franck Lanati
9/10ème d’arènes
En tout cas,
entre Séville et Garlin, mon choix est fait. Et ce n’est pas l’enthousiasme des
amis à qui j’ai fait découvrir la corrida en terre béarnaise qui me fera
changer d’avis.
Pour rester
dans une tauromachie simple, conviviale et populaire, mercredi je reviendrai
sur la Fiesta Campera de Soustons.
Thierry
Reboul
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