Chroniques taurines d'une petite Madeleine

Impressions générales
« Petit, petit » ce n’est pas l’appel de ses poulets par le fermier landais, mais le qualificatif qui est dans la bouche de tous les aficionados pour décrire le niveau des corridas des Fêtes de la Madeleine.
La faute en premier lieu au bétail pourrait on écrire. C’est un peu facile. L’indigence des corridas de mercredi, jeudi et vendredi relève plus du l’objectif visé par l’empresa, la prise de risque minimum avec des cartels à base d’un petit nombre de vedettes, bien ciblées. Ponce, le Juli, Talavante, Padilla , Castella. Ils garantissent un remplissage maximum avec un résultat taurin qui correspond à celui dont rêvent les tenants du pouvoir montois, à savoir des faenas superficielles mais qui sont jolies à voir et des oreilles qui tombent du palco comme les feuilles de mon tilleul en automne. Petite concession, un poste est offert à Juan Bautista car il a triomphé l’an passé même s’il n’est pas dans les petits papiers des dirigeants montois. Avec un tel mesclun, on cherche à copier Nîmes ou Istres. On laissera aux vilains de l’escalier 6 les La Quinta et les Dolores Aguirre pour satisfaire leurs bas instincts toristes. Le problème c’est que les figuras carburent aux toros pour vedettes. Donc le choix s’est porté sur les Garcigrande, Jandilla et Nuñez del Cuvillo, ganaderias qui ne vont pas réserver leur pointe de camada aux arènes landaises. Vous rajoutez l’intervention des veedores du Juli et de Ponce. A la sortie vous obtenez trois lots très mal présentés, manquant de race et de transmission devant lesquels les figuras jouent les illusionnistes en nous faisant prendre des vessies pour des lanternes. D’ailleurs l’art des illusionnistes est de détourner l’attention du public pour qu’il ne voie pas les trucages. C’est la musique qui joue ce rôle. On a eu droit à du Halliday, cet anti-taurin amateur d’évasion fiscale, du Barbara, du Joe Dassin en overdose le dimanche. Braves gens, il ne se passe rien en piste mais on vous a préparé une « play list  » qui vous fera croire le contraire. A quand l’intervention de Kaa, le serpent du Livre de la Jungle, pour nous susurrer « tout va bien, ayez confiance, laissez vous envahir par l’émotion, bon peuple des arènes »

Les toros
Et pour ce qui est des toros, l’argument qui voudrait que comme les melons, on ne sait s’ils sont bons que quand on les a goutés, ne tient pas la route. Le mayoral de Nuñez del Cuvillo s’est contenté de prendre des notes aux cinq premiers toros de sa ganaderia, et avant que ne sorte le sixième, le meilleur du jour, il avait pris sa caméra puis a filmé toute la prestation de celui dont il était sûr qu’il serait bon (ou plutôt il était sûr que les autres seraient quelconques).
Heureusement le public montois n’est pas aussi naïf que le souhaitent certains. Il a su remettre à sa place Julian Lopez, sa motivation absente et ses estocades honteuses. Chahuté le petit « Juli » a été obligé de toréer au niveau attendu compte tenu de son rang, et de son cachet. Sa dernière faena était une grande faena, mal conclue à la mort, qui aurait mérité que le torero salue. Mais la Banda avait attaqué, donc on ne dérange pas une banda qui joue. Je n’aime pas El Juli, mais sais que c’est un grand torero, quand il veut, et j’ai mal vécu ce manque de respect. Manque de respect dont ont été victimes d’autres toreros qui saluent ou font leur vuelta avec une partie du public qui n’a de soucis que de taper dans ses mains pour accompagner la musique (O tempora, o mores).
Le public s’est laissé berner par la faena de seconde zone de Ponce, au nom de ce que représente ce torero. Il a ainsi donné deux oreilles de trop au premier toro.
Après ces trois corridas et une novillada à oublier, il restera de ces Fêtes, une non-piquée intéressante et deux corridas qui ont apporté des satisfactions. La première à l’ensemble des aficionados et aux spectateurs occasionnels, à savoir celle de La Quinta, et une seconde moins brillante mais non dénuée d’intérêt, celle de Dolorès Aguirre.
Les Santa Coloma de la famille Conradi, nobles mais avec ce piquant nécessaire ont permis une corrida entretenue. Ce n’est pas le lot du siècle mais ils ont rempli leur contrat et permis aux toreros de montrer pour certains leur qualité et d’autres leurs limites.
Pour les Dolores Aguirre, le bilan est intéressant mais plus mitigé. Très inégalement présenté, ce lot présentait plusieurs cornes « vilaines » voire « très vilaines ». Au plan moral, ils se sont comportés en Atanasio avec cette pointe (ou plus) de mansedumbre qui rend leur combat intéressant pour peu qu’on admette que ce ne sont pas des Domecq. Fuyard, refusant le capote, le premier en est un bon exemple. Piqué intelligemment et efficacement, comme l’exige cet encaste, il est allé à mas sur la corne droite grâce à la toreria et au courage d’Octavio Chacon. Et dire qu’une partie du public demandait le changement du bicho, non règlementaire, parce qu’il avait un comportement de manso à sa sortie en piste. La même frange du public ne nous a pas suivis quand avec d’autres nous avons demandé le remplacement de la sardine aux cornes dépointées sortie en sixième position.

Pour ce qui est des toreros
Ponce s’est contenté du minimum face à son premier toro. Il se rapproche de la retraite et comme il suffit qu’il fasse le paseo pour que certains lui voit faire des grandes faenas, il aurait tort de faire des efforts. Ses deux autres adversaires n’avaient aucun intérêt.
Le Juli a été démasqué. Son imposture à l’épée a été mise au grand jour. Il a fallu que le public le chahute pour qu’il montre face à son troisième qu’il était un grand technicien. Compte tenu de ses émoluments, cela fait cher les deux minutes où il a tenu le rang qu’il prétend être le sien
Le pauvre Talavante a touché deux chèvres indignes dont il n’a rien pu faire.
Padilla était attendu pour ses adieux montois. L’hommage a été vibrant au paseo et à son départ du ruedo. Entre temps, ses deux toros de Jandilla étaient trop décastés pour qu’il fasse son show.
Tomas Dufau n’est pas au mieux de sa forme. Il est passé à côté de deux toros qui permettaient de couper des oreilles.
Pepe Moral m’a agréablement surpris face à son second Dolorès. Il a su trouver la distance et profiter de bonne corne gauche d’un toro à qui il a permis d’aller à mas.
Le courage de Juan Leal est connu et reconnu. Sa tauromachie évolue. Il a su, face aux Dolorès, construire des faenas comportant des séries donnant de la distance et exploitant, en particulier face à son noble second. Avec technique la charge des toros avec des moments d’émotion en toréant au plus près des cornes en particulier face à son premier.
Juan Bautista, sans démériter, est resté en deçà de ses prestations des années précédentes. Il n’y avait pas grand-chose à tirer des Garcigrande. Face aux La Quinta, il a rempli son contrat en tirant tout le possible de son second, mais il a du mal à trouver les réponses aux questions posées par le comportement mi manso, mi noble de son premier.
Roca Rey est un torero brillant. Il a su exploiter le seul toro « potable » de la course de Vendredi et sauver la tarde de l’ennui.
Octavio Chacon a donné une leçon de lidia face au manso dangereux qui a ouvert la corrida de Dolores Aguirre. C’est aujourd’hui, avec Lopez Chaves, le meilleur lidiador du circuit et il est scandaleux qu’il n’ait pas été récompensé d’une oreille après sa première faena du Dimanche.
Emilio De Justo est le triomphateur de ces Fêtes de la Madeleine. Face à son premier, il a montré l’étendue de son répertoire technique et surtout artistique. Le torero de Cacérès n’est pas qu’un torero de « Victorino Martin ». C’est un torero profond qui a des choses à dire face à tous les types de toros. J’ai beaucoup apprécié sa seconde faena où il a confirmé qu’il était un grand lidiador en maintenant, tout en douceur et élégance, au centre de la piste un La Quinta qui ne rêvait que de partir se réfugier aux planches

Concert ou corrida ?
L’ineffable président de la commission taurine nous avait annoncé des innovations au plan musical. Nous fûmes servis. Je passe sur l’incongruité Halliday du premier jour. La bronca adressée à l’Orchestre  Montois a exprimé ce qu’en pensaient les aficionados présents. Ce qui me gène le plus, c’est le récital "Joe Dassin" du dimanche. Mont de Marsan jalouserait elle Dax pour donner un caractère "Palmarès de la Chanson" à la dernière course du cycle. Connaissant le torerisme qui préside à la direction du Plumaçon, certains doivent penser qu’il faut agrémenter la seule affiche torista des Fêtes comme si ce genre de courses n’étaient qu’un pensum indigeste et que quelques « sauces musicales » sont nécessaires pour en relever le goût. Certes le public s’est diverti, a tapé dans les mains. Mais quel ignoble manque de respect pour les toreros que cette ambiance pamplonesque au moment où ils sortent pour saluer ou pendant une vuelta.  On est aux arènes pas à un concert. Mettre des toros sérieux et des toreros motivés suffit à nous faire venir aux arènes, le reste n’est que vaines fanfreluches. Le seul moment musical émouvant de ce Dimanche a été l’hommage rendu à Michel Cloup, le chef des musiciens pour son départ en retraite.  

En résumé
Un petit mot sur la non piquée à laquelle je n’ai pas pu assister. C’est le moment le plus taurin de ces fêtes même si les organisateurs s’en désintéressent. Nouvelle victoire de la ganaderia Casanueva, cela confirme la qualité du travail faite par José et Guillaume Bats.
En résumé, une petite Madeleine au plan taurin qui nécessiterait une remise en question, dont je ne suis pas sûr qu'en soient capables les têtes pensantes montoises. Certes les arènes sont pleines mais les spectateurs déçus reviendront ils ? Le public a su manifester son mécontentement à plusieurs reprises, sera-t-il écouté par une empresa qui, comme l’a fait Casas à l’issue de la San Isidro, ne raisonne qu’en taux de remplissage et pourcentage d’oreilles coupées ? 


Thierry Reboul 

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