D’Hagetmau à Maubourguet, le pèlerinage aoûtien des amateurs de novilladas
Le Sud-Ouest est une région taurine
qui fait un très gros effort pour la promotion des novilladas piquées ou non
piquées. Le public n’est pas toujours au rendez vous et c’est dommage. Pour le
prix d’une barrera dacquoise pour voir défiler un lot de bœufs de la famille Jimenez,
on peut voir au moins cinq non-piquées ou trois piquées. Et en plus, elles seront bien plus
intéressantes.
Pour expliquer la baisse de
fréquentation, on évoque la chaleur. Soit il a fait chaud mais si c’est pour
aller se cuire sur le sable d’une plage, je ne vois pas la différence. Sur le
mois d’Août, et malgré les efforts de l’association des organisateurs du Sud-Ouest, il y a eu
trop de doublons dans des territoires proches ce qui a forcément nuit aux
taquillas. Monter deux courses, le même jour à Hagetmau et Orthez ou Rion et
Roquefort est suicidaire. Une des deux placitas va forcément perdre des
entrées. L’autre problème est le vieillissement du public ; Le public
jeune, celui qui n’a pas «peur du soleil », témoins les tendidos sol des
placitas navarraises, manque cruellement. Des initiatives sont montées un peu
partout avec des places à prix réduit, des accompagnements par des aficionados
expérimentés. Mais cela ne portera ses fruits que dans quelques années et en
attendant il faut payer les frais…..
Compte tenu des doublons, il n’est pas
possible d’assister à toutes les non piquées. De celles que j’ai pu voir ou
dont j’ai eu un retour fiable, côté bétail, le fait marquant est la bonne
saison de la ganaderia Alma Serena. Les frères Pierre et Philippe Bats ont
sorti en particulier une très bonne course à Hagetmau et un très bon novillo à
Maurrin.
Succès également à Bayonne et Rion,
et ce avec des bichos des différents encastes présents sur leur campo, même si
l’apport Garcigrande semble avoir très bien lié avec les vaches d’origine
Miranda de Pericalvo et Algarra. Il est probable que ce fer sera très
« prisé » lors du moment de monter les cartels de 2019. La famille Bonnet continue son parcours avec
des novillos sérieux et intéressants pour les aficionados. Grosse déception des
novillos venant d’Espagne, les Guadaira de Dax, petits, maigres et faibles,
étaient indignes d’une finale des non piquées de Dax.
Les Huertas Vega de
Maubourguet avaient de la noblesse mais étaient trop faibles pour permettre aux
toreros de s’exprimer.
Côté novilleros, deux garçons se détachent du lot : Yon
Lamothe et Solalito.
Le landais a atteint un très bon niveau technique et a une
tauromachie « artistique » qui lui confère une vraie personnalité. En non piquée, il a toujours été desservi par
son mètre quatre vingt dix et comme il n’a plus rien à prouver à ce niveau, il devient nécessaire pour lui,
et je pense qu’il en a envie, de passer rapidement à l’échelon supérieur.
Solal, le nîmois a énormément
progressé. Il a acquis une grande maturité et une belle profondeur artistique
avec une très belle main gauche.
Comme quoi, offrir des opportunités permet de
révéler des toreros même et surtout en dehors du circuit des Écoles
Taurines. Il lui reste à être plus
régulier avec les aciers et il pourra se positionner l’an prochain en leader de
l’escalafon des non-piqués puisqu’avec une grande sagesse, il envisage de
rester à ce niveau pour la prochaine temporada.
Valentin Hoyos Calama a été beaucoup
vu dans le Sud-Ouest. Sa tauromachie est techniquement irréprochable mais très scolaire, elle
transmet peu d’émotions.
Les non-piquées sont là pour faire
émerger de nouveaux talents. Découvert à Saint Sever en becerrada, puis à Boujan en costume de lumières,
Niño Julian a fait forte impression à
Riscle puis à Rion pour la course matinale. Il aguante avec beaucoup de courage
et a déjà du recours. Sa tauromachie fait penser à celle de Juan del Alamo. Il
devrait, comme Solalito, être un élément de base des cartels de la prochaine
temporada. Le rejoindra probablement, un jeune sévillan,
Pablo Paez, auteur d’une très bonne faena à Rion et qui s’est qualifié pour la
finale de Bayonne. J’ai vu ce jeune
torero à La Fragua où il avait montré de bons principes qu’il a confirmés au
long de la saison.
Restent à venir en non-piquées,
Bayonne, Vic et Saint Sever.
Après une temporada 2017 tristounette,
la temporada 2018 en novillada piquée fait le buzz. En ce mois d’Août, deux
sujets alimentent conversations de buvettes ou échanges électroniques via les
réseaux sociaux : l’alternative dacquoise d’El Adoureño et Les Conde de la
Maza de Roquefort. Yannis, après une belle saison 2017 en Espagne, a connu un
début de temporada 2018 difficile en France.
Il a choisi de prendre l’alternative
en cette fin de saison avec un parrain et un témoin de luxe. C’est un joli
challenge et tant mieux pour lui qu’il ait cette opportunité. Le jeune homme
est têtu, opiniâtre et aime la compétition et il fera tout son possible pour
que cela fonctionne. C’est son combat, il l’a accepté, c’est à lui de l’assumer
et évitons de juger des faenas qui n’ont pas encore eu lieu. N’ajoutons pas aux
soixante millions de sélectionneurs du foot,
mille apoderados. Une fois l’alternative passée, c’est à lui de
comprendre qu’il a encore pas mal de lacunes techniques, de bosser tous les
jours pour les combler et surtout de compléter son équipe avec un mentor
technique qui lui en fera baver mais qui lui permettra de passer du rang de
novillero courageux à celui de matador maître de son art. En matière d’en
baver, il n’a qu’à demander à De Justo ce que sont les entraînements avec
Luisito, mais les résultats sont là.
Pour ce qui est Conde de la Maza, je
n’ai pas vu la course, étant à Maubourguet et ne me prononcerais sur ce qui
s’est passé en piste. J’ai beaucoup lu qu’il y avait sur le circuit des
novilleros vedettes qui bénéficiaient de courses plus « simples ». A
part Toñete, qui est aidé par les moyens financiers de sa famille, il est loin
le temps des petits princes et fils de famille. La diminution du nombre de
novilladas et le nombre de novilleros en augmentation a bien changé les choses.
Il y a toujours des entourages qui mettent la pression sur les organisateurs
persuadés, très souvent à tort, que leur protégé est irremplaçable. On est bien
loin des années quatre vingt dix et
des Ubrique, Chamaco, Litri ou Camino
fils. Le vrai problème est que les novilleros sortent d’Ecoles Taurines où ils
apprennent à réciter des faenas mais pas à toréer. En piquée s’ils ont la
chance d’avoir un mentor qui les aide ,
comme Dorian Canton ou Baptiste Cissé, ils vont progresser et gérer leur
carrière en fonction de leur avancement en maturité technique. Sinon, comme ce
pauvre Jorge Rico à Parentis, ils sont en perdition face à des problèmes dont
ils n’ont pas les bases techniques pour les résoudre. Le gabarit des Conde de la Maza n’est pas le seul
problème.
Le vrai risque, c’est de mettre des gamins au bagage technique faible devant des toros exigeants, d’un élevage qui est plutôt au fond du trou et produit plus de mansos que toros avec un minimum de race. D’autant que les novilleros sont souvent accompagnés par des piqueros incapables de piquer vraiment pour châtier suffisamment ce type de bichos et des peones qui n’ont pas le niveau technique nécessaire pour les conseiller en cas de difficultés. Il y a quelques années dans une arène française, du Sud-Est des picadors, au grand dam de l’empresa de caballos, faisaient leurs débuts dans le métier pour piquer des très grosses novilladas. Et je ne vous parle pas des peones qui n’ont d’autre activité que de faire le paseo. Et puis, combien de corridas fortes, se sont laissées toréer et combien de petites ont été infernales. Ce qui compte, en novillada, c’est l’adéquation bagage technique des toreros, l’existence d’un minimum de race dans la ganaderia, et un vrai entourage technique en piste.
Le vrai risque, c’est de mettre des gamins au bagage technique faible devant des toros exigeants, d’un élevage qui est plutôt au fond du trou et produit plus de mansos que toros avec un minimum de race. D’autant que les novilleros sont souvent accompagnés par des piqueros incapables de piquer vraiment pour châtier suffisamment ce type de bichos et des peones qui n’ont pas le niveau technique nécessaire pour les conseiller en cas de difficultés. Il y a quelques années dans une arène française, du Sud-Est des picadors, au grand dam de l’empresa de caballos, faisaient leurs débuts dans le métier pour piquer des très grosses novilladas. Et je ne vous parle pas des peones qui n’ont d’autre activité que de faire le paseo. Et puis, combien de corridas fortes, se sont laissées toréer et combien de petites ont été infernales. Ce qui compte, en novillada, c’est l’adéquation bagage technique des toreros, l’existence d’un minimum de race dans la ganaderia, et un vrai entourage technique en piste.
Pour ce qui est des courses que j’ai
vues, Hagetmau a opté pour du Santa Coloma. Les toros ne sont pas sortis bons
mais on ne peut pas reprocher aux organisateurs d’avoir essayé.
Parentis nous a présenté un excellent
lot d’Aguadulce et quatre Couto de Fornilhos intéressants.
Devant eux, seul
Carballo a toréé et lidié.
Ce garçon, courageux et torero, est à revoir. Pour
les autres, cf plus haut sur la problématique du bagage technique et de leur
entourage (ou de leur absence d’entourage). Le problème de Parentis reste la
taquilla. Il y a la concurrence de la plage ; l’effet canicule mais aussi que
les courses proposées ne sont pas « tout public ». La réponse, n’est
pas de basculer dans des courses « plus triomphalistes », les autres
arènes qui ont choisi cette option aux mêmes dates ont aussi un problème de taquilla.
Il faut revoir le modèle économique de la novillada, avec un effort des
différents acteurs sur leur niveau de rémunération d’autant que chez nous, ils
sont quasi sûr d’être payés. Si la fréquentation moyenne pour une novillada,
aujourd’hui, est la demi-arène, il faut aider les clubs taurins organisateurs à équilibrer les charges avec ce
niveau de taquilla. Il est toujours possible de redistribuer les bénéfices si
la taquilla est meilleure. Le sponsoring et les mairies aident les clubs, mais cela
est limité compte tenu de la situation des entreprises, des municipales qui
approchent et de l’image de la corrida dans l’opinion publique. Un prélèvement
sur les entrées des arènes de première catégorie, répercuté aux spectateurs,
est un mal nécessaire. Une taxe d’un euro cinquante (le prix d’une bouteille
d’eau ou des frais de réservation parfois perçus le jour même de la corrida)
par billet vendu ou invitation offerte à Dax, aurait permis de récupérer au
moins 60000 euros. Et on peut faire la même chose à Vic, Bayonne et Mont de
Marsan. Si les aficionados, les professionnels et les organisateurs
s’investissent pour diminuer les pertes des novilladas (piquées ou non), les
collectives locales auront moins de réticences à mettre la main à la poche. Il
leur sera plus facile de justifier d’éventuelles subventions et évitera que
certains maires veuillent influencer la philosophie et les choix des clubs
taurins Mais de tout cela, nous avons déjà parlé l’an passé. Le problème
persiste et le monde des toros au sens large ne bouge pas. Continuons et on va
droit dans le mur.
Pour ce qui est des novilleros que
j’ai vus, en ce mois d’Août, je retiendrai Carballo, déjà cité, et Dorian
Canton.
Le béarnais apprend et progresse vite. Il a aujourd’hui un bagage
technique affirmé alors qu’il a peu toréé. Et comme il est coaché de près, il a
le support nécessaire pour combler les
lacunes qu’il lui reste.
Vus ailleurs et auparavant, mais lors
de leurs prestations aoûtiennes dans le Sud-Ouest, trois toreros méritent
d’être revus. Alejandro Mora a confirmé lors de sa première piquée, à Garlin,
les qualités entrevues à Saint Sever, l’an passé. Baptiste Cissé qui s’est
gagné, course après course ses contrats a beaucoup progressé et n’a pas à
l’escalafon la place qui correspond à son niveau technique et artistique.
Cristobal Reyes est un torero courageux
qui a fait preuve de beaucoup de toreria à Boujan. Il a malheureusement
été blessé à Riscle. Avec Francisco de Manuel, Mora, Canton, Cissé, Carballo,
Reyes et Salenc, s’il revient à son meilleur niveau, il y a de quoi monter des
novilladas intéressantes même face à un bétail très ou trop costaud.
S’il ne reste que trois novilladas au
programme de la temporada françaises, dont les cartels sont déjà rématés,
commence en Espagne, le mois des novilladas. Sans trop s’éloigner de la
frontière, il est possible d’assister à des courses intéressantes dans des
ambiances sympathiques.
Prochain rendez vous au Plumaçon,
dimanche, pour la novillada concours de Saint Perdon
photos Nicolas Couffignal , Matthieu Saubion, Christian Sirvins
Thierry Reboul
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