L'ARNAQUE DU PRADO

Le Prado et l'arnaque de Goya antitaurin


L'auteure contredit les commissaires de la grande exposition de dessins de Franciso Goya qui commémorent le 200è anniversaire de la mort du génie de Fuendetodos et qui lui attribuent le rôle de pionnier du mouvement anti-taurin.


Gloria Sanchez Grande,
responsable de l'activité culturelle des arènes de Las Ventas.


Les audioguides du Musée du Prado racontent que Francisco Goya fut un pionnier dans le mouvement anti-taurin. La grande exposition de dessin « solo la voluntad me sobra » inaugurée ce 20 novembre 2019 au motif du 200ème anniversaire de la pinacothèque madrilène, a servi comme excuse pour répandre à nouveau ce mensonge, que la Royale Académie des Arts de San Fernando a lancée il y a quelques temps.
Il semble que plusieurs experts de la vie et de l’œuvre de Goya, Manuela Mena en tête, aient des ulcères en se souvenant que son peintre principal, le génie de Fuendetodos, aimait les taureaux. Parce que, malgré ce qu’il a enduré, il a été aficionado, et beaucoup.

En plus de sa célèbre série de gravures intitulée « La tauromachie », tout au long de sa fructueuse vie professionnelle, Goya a dédié à ce monde des peintures, dessins, tapisseries, lithographies et estampes, une riche production pour un soi-disant anti-taurin et pour un peintre de cour quand la tauromachie était considérée dans ces années là comme populaire, et était encore moins un sujet académique. Goya a réalisé beaucoup de ses œuvres pour lui-même, et il a continué à Bordeaux, jusqu'à la fin de sa vie. Quel besoin avait l’aragonais de se flageller en façonnant des toreros alors que, selon les menteurs du Prado, l’artiste lui-même les haïssait ?
Presque nouveau venu à Madrid, en 1780, celui de Fuendetodos réalisa une commande pour la Real Usica de Tapices sous le titre « La novillada. » Dans cette pièce, il apparaît en autoportrait jouant avec un taureau et regarde avec plaisir le spectateur. Au-delà de l’anecdote picturale, de multiples indices indiquent que l’artiste a fait quelques essais de « maletilla » et « novillero » avant de s’installer dans la capitale.


Depuis lors, les références aux questions de la tauromachie ont été riches dans les échanges épistolaires de Goya, principalement dans les lettres envoyées à son ami Martin Zapater. Souvent, lui, Zapater et Francisco Bayeu, le beau-frère de Goya, se disputaient sur qui était le torero du moment, si c'était Pedro Romero ou Costillares, tous deux précurseurs de la tauromachie moderne. Il semble absurde qu’un anti-taurin présumé entre dans des débats sur quel matador tenait le sceptre du toreo, comme si aujourd’hui un animaliste discutait pour voir s’il préférait voir sur la place Roca Rey ou Pablo Aguado. Mais ce sont des vestiges que les commissaires du Prado ignorent aussi.
Par ces lettres, nous savons en outre que Goya se rendait souvent dans différentes arènes, dont celle de Madrid où, en 1801, il fut témoin direct de la mort de son ami Pepe-Hillo quand celui-ci voulu tuer un taureau arrêté. L’artiste a été tellement impressionné qu’il a décidé de clore sa série de gravures sur la tauromachie en trois versions différentes avant de choisir la version finale.


Précisément sur la mise en scène éhontée de La tauromachie (1814-1816), disent les experts actuels d’El Prado qu’elle est "ambiguë" jusqu’à "susciter le doute sur la position de Goya sur les corridas de taureaux"comme si l’aragonais avait dû suivre les traces d’Antonio Carnicero en peignant une fête déchargée de cruauté au cas où il aurait voulu la défendre. Selon Manuela Mena, son admirateur Francisco de Goya, animaliste hypothétique furibond, manifestait ainsi contre la violence des hommes et en faveur de la noblesse des animaux, ignorant que l’aragonais était toujours un "photographe" fidèle aux lumières et aux ombres de son temps.

Bien que Manuela Mena et ses collègues étroits d’esprit n’aient pas voulu approfondir l’affaire, la corrida était un spectacle profondément "éclairé" et révolutionnaire dans lequel l’homme se situait, pour la première fois, au centre même de la scène; un homme quelconque, né du peuple, sans nécessité d’enracinement aristocratique ou religieux, un héros anonyme comme les lutteurs "corps à corps" du 2 mai 1808. L’architecture des arènes était déjà en soi plus "illustrée" que n’importe quel théâtre ou église, en répartissant le public autour du point équidistant de l’arène et du torero. Goya, grâce à sa connaissance approfondie de la tauromachie, a également su façonner cette rationalité qui balayait le chaos apparent de la tauromachie du début du XIXe siècle.


Les quatre lithographies taurines qu’il accomplit à Bordeaux au crépuscule de sa vie (1824-1825) sont un prodige artistique et technique. Dans celles-ci, très probablement influencé par les horreurs de la guerre d’indépendance, l’artiste s’est concentré sur la brutalisation de la masse, comme si les taureaux étaient le reflet du sentiment populaire de l’Espagne après l’abolition des Cortes de Cadix et la fin de l’espoir libéral. Goya, depuis son exil, aurait pu choisir n’importe quel autre sujet pour exprimer son sentiment politique, mais il est revenu dans le monde qui l’avait fasciné à vie : la tauromachie. Son serviteur a dit : "Dans deux choses, il était mon maître incorrigible : dans son penchant pour les taureaux et dans son penchant pour les filles d’Eve".

Ce dernier point éclabousse d’ailleurs également la commissaire Manuela Mena qui estime qu’en plus d’anti-taurin, Goya était homosexuel en raison de la correspondance qu’il entretenait avec son fidèle ami d’enfance, celui précité, Martin Zapater; et si l’artiste a épousé Josefa Bayeu, c’était par pur intérêt. Peut-être, à la suite de cette exposition au Prado, le pauvre "Francho", comme on le surnommait dans les capéas de sa jeunesse, finira par être le motif d’un carrosse de la Gay Pride 2020, devenant l’emblème de l’actuel "bon" et de ce qui est politiquement correct.

De nombreux hommes d’affaires de la tauromachie du XXIe siècle souhaiteraient d’ailleurs avoir des détracteurs comme Francisco de Goya, qui a passé la moitié de sa vie à faire ressortir en détail et avec génie toutes les phases du toreo au lieu de sauter dans l’arène, comme le font les "antis" a partir de maintenant, "gratuit" et avec la poitrine peinte une fois que les mulets ont traîné le taureau.
Parce que, pour un anti-taurin, il semble évident que Goya a dépensé trop de talent, de temps et d’argent sur les gradins. Il y a quelque chose qui cloche, messieurs les commissaires du Prado.

Traduction libre d'isa du moun
d'un article d'
El Mundo que vous retrouverez en cliquant sur le titre.

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