Alberto Lamelas mérite d'être appelé Alberto "Valor"
Arènes d’Aignan, dimanche 05 avril
2015 : Corrida des Fêtes Pascales
(les photos sont de Romain Tastet)
6 toros de Concha Y Sierra pour
Javier Castaño (salut au centre, silence)
Manuel Jesus Perez Mota (silence,
sifflets)
Alberto Lamelas (une oreille, une
oreille)
¾ d’arènes
Soleil revenu mais vent persistant
Jean Luc Couturier, quand il a racheté
et ramené en France les élevages du Curé de Valverde et de Concha Sierra, savait
qu’il aurait du travail pour redonner leur lustre d’antan à ces deux ganaderias
en complète déshérence et décrépitude. Il a pu aujourd’hui mesurer l’ampleur du
chemin à parcourir pour les descendants des toros de caste Vasquez.
Le lot est composé de trois toros « maigrichons »
et de trois mieux faits aux robes originales, comme dirait Eric Lesparre. Les
armures très vicoises, pour ne pas dire « hyper
vicoises », feront le bonheur des collectionneurs de frontals et de têtes
de toros. Par contre côté opérationnel, tous sont sortis très faibles(les trois
premiers), ou faiblards (les trois derniers).
A l’exception du quatrième, gâché
par Castaño, ils ont manqué de caste et se sont vite éteints, se gardant ou
chargeant sur la défensive avec du genio.
Il ne faut pas enterrer un élevage sur
une course. Les toros sortis à Aignan, sont nés en Espagne .Ils sont le fruit
de la non sélection opérée par le précédent propriétaire.
Eliminer, sélectionner et encore
sélectionner pour tenter de retrouver un fond de caste va prendre au moins 10
ans
Jean Luc Couturier a les moyens, financiers,
de tenter ce pari. Nous lui souhaitons de le réussir.
Ce qui devait être une tarde de toros a
surtout été la tarde d’un torero Alberto Lamelas.
Il revenait en terres gersoises après
son triomphe vicois ; Il est sorti a hombros après avoir fait preuve d’une
sincérité, d’un engagement, d’une volonté de bien faire les choses qui forcent
le respect. C’est un torero « court » au plan technique. Ce n’est pas
un artiste. Mais c’est un homme courageux dans la lignée de ces toreros
auxquels l’histoire a rajouté au patronyme le suffixe Valor.
Ses compagnons de cartel, qui ont plus
de contrats que lui, ont adapté leur implication à l’impact sur leur carrière
et dans les media espagnoles d’une
prestation dans une arène comme Aignan. Ils sont venus toucher leur cachet.
Javier Castaño a ouvert le bal avec un
toro bien armé mais léger.
Abanto à sa sortie, le bicho a très vite montré des
signes de faiblesse au point de tomber au tapis après un pique. Mis en suerte
pour la forme, il prend un picotazo qui n’avait d’autre intérêt que poser les
règles applicables ce jour lors des premiers tiers. Faena d’infirmier a mis hauteur,
le toro naturellement s’arrête à mi-charge, donne de la tête .Le très
expérimenté torero créé l’illusion que
le toro est noblote et s’améliore. Il tue vite d’une épée en arrière et salue
au tiers.
Le quatrième sera le bon toro de la course,
celui qui entretient l’espoir pour l’éleveur. Castaño a profité de sa charge
pour faire du spectacle. Le premier tiers, scénarisé pour mettre en évidence
Tito Sandoval, a frisé le ridicule. Seul le placement de la puya et la tenue du
toro lors du second puyazo était digne du standing du piquero sud américain.
Même « dramatisation » aux banderilles,
les deux premières paires de Botero et Galan sont applaudies.
Le toro,
contrairement aux cinq autres, a de la charge et un fond de noblesse qui laisse
augurer d’une bonne faena. Hélas Castaño va gâcher les possibilités offertes.
Abusant du pico, profilé à l’extrême, c’est une faena en trompe l’œil, comme un
décor de théâtre, qui est réalisée
Une partie du public se laisse tromper
jusqu’aux deux sorties à matar (pinchazo et entière basse) qui viennent
conclure la faena. Castaño, le costume bien propre, peut penser à son prochain contrat.
Torero relancé à Vic en 2015, Perez
Mota a ajouté à son peu de motivation à toréer du jour, la malchance au sorteo.
Son premier combine faiblesse, genio
et mansedumbre. La faena est sans intérêt et le toro est hué à l’arrastre.
Le cinquième est un manso très playero.
Il n’a rien pour redonner de la motivation à un torero qui n’en a pas. Mal piqué,
mal banderillé il a une charge peu claire. Il est très vite sur la défensive et
Mota accentue par son non lidia les défauts de l’animal. Il tue d’une affreuse
mete y saca dans les côtes et sera sifflé par une partie du public.
Très armé, le troisième toro est très
bien toréé à la cape par un Alberto Lamelas décidé.
Très mal mis en suerte, le « néo-camarguais »
ne pousse pas à la pique. C’est un manso sans beaucoup de forces qui derrote et
accroche des deux côtés.
Beaucoup de toreros, sans être des figuras auraient
plié les gaules en expédiant les affaires courantes .Alberto « Valor »
s’arrime. A force d’abnégation, de courage il va réussir à imposer une faena
faite de séries courtes sincères, exposées (parfois trop) à la limite de l’accrochage.
En insistant et porté par le public il
réussira à réaliser une excellente série de naturelles avant de s’engager pour un
entier contraire rapide d’effet. Une oreille, très fêtée, vient récompenser le « pundonor »
du torero de Jaen.

Le tercio de banderilles est digne d’Intervilles.
Depuis le début de la course la présidence a sonné la fin des seconds tercios même
si les quatre banderilles réglementaires n’étaient pas sur le toro.
Les cuadrillas ont pris l’habitude de les poser à la manière des rejoneadores. En
déroute les peones de Lamelas multiplient les passages une par une. Au
quatrième passage, il n’y a que deux palos posés et on manque de munitions, le
tercio s’éternise jusqu’à ce soient posées deux banderilles, dépareillées.
Retour aux choses sérieuses à la
muleta. Lamelas va se centrer, se croiser pour réaliser une très intéressante faena,
profitant des possibilités offertes à droite par le Concha Y Sierra.
Le toro s’échappe vers les planches,
le torero le tient au centre. C’est bien fait, honnête et le public qui reconnaît
le professionnalisme du matador le soutient. A nouveau une estocade très
engagée et efficace, une nouvelle oreille vient récompenser le travail réalisé.
Le public retiendra de cette corrida
la sortie en triomphe d’un torero simple, sincère, courageux qui mérite d’être plus souvent à l’affiche.
Castaño et Mota retiendront la valeur
du sueldo et mettront leur échec sur le dos des toros.
L’éleveur lui a mesuré l’ampleur du
travail à réaliser.
Commentaires
Enregistrer un commentaire