Bilan 2016 : le paradoxe des novilladas piquées et non piquées
Tout
d’abord meilleurs vœux à notre révérée rédactrice en chef et à vous tous, qui
de plus en plus nombreux, lisez les articles, en particulier taurins, des
Chroniques du Moun.
Les photos sont de Laurent Larroque, Romain Tastet, Matthieu Saubion et Nicolas Couffignal
Difficile
de commencer un bilan de la temporada 2016 dans le Sud-Ouest sans avoir une
pensée pour les trois toreros morts en piste, El Pana, Renatto Motta et Victor
Barrio. La tauromachie est une fête mais c’est aussi un drame. Si les morts du
Pana et de Victor Barrio sont injustes comme toutes les morts accidentelles,
celle du jeune péruvien est scandaleuse. Comment peut on organiser, à notre
époque, des corridas sans assistance médicale, à 200 km de routes sinueuses
d’un hôpital et laisser se vider de son
sang un être humain sans être capable de lui prodiguer le moindre soin ?
Ne nous réjouissons pas trop quand nos toreros en mal de contrats s’expatrient
vers ces arènes taudis de la Cordillère des Andes. La passion et le besoin de
toréer ne justifient en rien de cautionner des organisateurs pour qui la valeur
d’une vie humaine est inversement proportionnelle à l’altitude de leurs arènes.
Nous
avons la chance d’avoir dans notre région des chirurgiens, médecins et
infirmiers aficionados qui assurent, bénévolement, le service médical dans nos arènes, c’est à aux que va mon coup
de cœur 2016.
Faire
le bilan c’est comme pour la Culture, c’est se souvenir de tout ce que l’on a
vu après avoir tout oublié. Les
Chroniques du Moun ont couvert quasiment toutes les courses de notre région, y
compris certaines journées de doublons. Cela représente entre 70 et 80 paseos.
mais quand on aime, on ne compte pas. Merci à tous les organisateurs qui m’ont
accrédité que ce soit au nom des Chroniques du Moun ou des autres médias
auxquels je collabore.
Côté
Corrida entre « Au Sud Ouest rien de nouveau » et « le Désert
des Tartares » je ne sais quel est le titre le plus approprié. Aucune des
corridas de cette temporada ne passera à la postérité. On retiendra juste quelques
faenas ou toros isolés.
La
première est celle d’Enrique Ponce à Mont de Marsan face à un Nuñez Del
Cuvillo. Le torero de Chiva a atteint un degré de maturité tel qu’il est
capable de « tutoyer les anges ».
Si on met de côté la mise en scène (smoking istréen, musique montoise,….)
superfétatoire, il est aujourd’hui capable de réduire à sa volonté tous les
toros et de lidier avec science et art.
Dans
un autre registre Alberto Lamelas a, par son courage et son abnégation, fait se
lever le public montois face à un toro de Miura.
Vu
à son avantage à Orthez, Emilio de Justo est la révélation de la temporada avec
sa très belle après-midi face aux Victorinos. Il allie technique et sens
artistique et sera le torero à suivre en 2017.
Andres
Roca Rey a enflammé les arènes lors de ses sorties à Mont de Marsan et Dax. Mais
il a été aussi fortement châtié par ses
adversaires. Le garçon a du courage, de la technique et de l’art. Je crains que
la répétition des coups n’altère sa santé ou le fasse évoluer rapidement vers une tauromachie plus « sécurisée ».
J’espère me tromper.
José
Garrido a confirmé tout le bien que l’’Aficion pensait de lui, reste à
confirmer en 2017.
Curro
Diaz a fait une très bonne temporada. C’est aujourd’hui le seul torero artiste
capable de toréer aussi bien un Jandilla qu’un Victorino. Mal servi par ses
adversaires dans nos arènes, il y a moins triomphé qu’en Espagne avec, en
particulier, deux grands moments à Madrid et Azpeitia.
Sébastien
Castella a enfin été engagé dans le Sud-Ouest. Il a fait preuve de beaucoup de professionnalisme,
de métier sans atteindre, souvent par la faute du bétail, le niveau de sa temporada
espagnole 2015.
Thomas
Dufau qui a su se mettre au niveau d’un noblissime Nuñez Del Cuvillo au Plumaçon,
a souvent été à la peine et est en particulier passé à côté d’un très bon
Pedraza à Vic.
Manzanares
a bien tué mais est resté très superficiel, le Juli a été superficiel et a mal
tué.
Lopez
Simon ; beaucoup vu, s’est épuisé sans vraiment convaincre
Peu
de choses à dire des autres, si ce n’est le retour réussi d’El Monteño (à
suivre).
Juan
Bautista et Juan Leal ont été oubliés dans le montage des cartels de nos régions.
Côté
toros, après une temporada 2015 intéressante, 2016 est une cuvée qui ne restera
pas dans les mémoires. Seuls deux toros du concours vicois ont relevé le
niveau. Tout d’abord un bon Pedraza de Yeltès brave au cheval, et bien piqué, qui
aurait du avoir le prix. Puis un Los Maños,
ce bicho a bénéficié d’un tercio de
pique moderne, avec plus de mise en scène que de lidia, et a fait preuve de
noblesse au début de faena avant d’aller à menos. Il a été intéressant mais ce
n’est pas un grand toro.
Les
autres élevages, qu’ils soient toristes ou toreristes, ont tous déçu avec la « palme »
de la mansedumbre aux Fuente Ymbro montois. Même déception de la part des élevages
français souvent faibles avec en particulier des Yonnet
dont les toros sont sortis invalides à Mimizan, alors que les sobreros toréés
en privé sont sortis aussi solides que ceux de Saint Martin de Crau. Comme quoi
l’élevage des toros de lidia n’est pas une science exacte.
Heureusement
le ganado lidié en novilladas a été d’un bien meilleur niveau. Ont marqué la
saison par leur présentation et leur comportement les lots d’Hagetmau (Ana Romero, Raso Del
Portillo), Bayonne (Los Manos), Vic (Dolores Aguirre) et Saint Perdon (Aurelio
Hernandez et Pedraza), Garlin (Pedraza) Mont de Marsan (Virgen Maria), Samadet (Sayalero
y Brandes) et Roquefort (Saltillo).
Dommage
que le public ne réponde pas toujours en masse pour récompenser à leur juste
niveau les efforts faits par les
organisateurs. Il y avait plus de chance de voir quelque chose d’intéressant
cette saison en novillada qu’en corrida.
Côté
novilleros, celui qui a marqué la saison est le vénézuélien Manolo Vanegas.
Toujours sérieux, avec du recours et du courage, il a affronté tout type de
bétail faisant preuve de sincérité et d’engagement y compris dans son rôle de
chef de lidia.
Derrière
lui, on trouve le trio français Younès, Garcia et Salenc qui continuent leur
apprentissage et qui seront la base des carteles du début de la temporada 2017.
Diego Carretero a connu deux bonnes après-midi à Garlin et Saint Perdon, Juanito a laissé entrevoir quelques possibilités
à Saint Perdon. Pour les autres pas grand-chose à retenir, si ce n’est que les
choses du Mundillo nous ont fait avoir une indigestion de l’insipide Luis David Adame et du tristounet Juan de Castilla nous privant
de la possibilité de voir d’autres toreros.
Encore
plus que les piquées, les non piquées du Sud-Ouest ont donné satisfaction aux
organisateurs, aux aficionados et au public occasionnel.
Tout
d’abord un grand « bravo, merci et continuez », aux organisateurs des
bolsins de Bougue (Club taurin Soledad) et de la Fragua (Juan Leal), ils ont
compris, eux, comment faire pour garantir l’avenir de la tauromachie.
2016
a vu sortir en piste d’excellents lots d’erales français et espagnols, Conde de
Mayalde à Arzacq, Le Lartet à Vic et Dax, Astarac et Camino de Santiago à
Mimizan, Sainte Cécile à Plaisance, José Cruz à Bougue et Dax, Coquilla de
Sanchez Arjona à Maubourguet et de
Sanchez Fabrès à Saint Sever. Les deux concours de Mont de Marsan et Castelnau
ont été, pour le bétail, d’un très haut niveau avec en particulier, à chaque
fois, un très bon novillo de Casanueva.
Malabat
et Alma Serena ont sorti chacun un ou deux bichos intéressants.
Côté
toreros, avec les qualités et les défauts inhérents à leur statut d’apprentis,
Baptiste Cissé, Antoine Madier, Rafi, Alfonso Ortiz, David Salvador pour les
plus en vue et leurs collègues ont contribué à faire de cette temporada en non piquées,
une des meilleures de l’histoire de la tauromachie.
La
relève est assurée avec en particulier une nouvelle ganaderia (La Espera) et
deux élèves d’Adour Aficion Yon et Clément qui débuteront à Mugron pour Pâques.
Et
pourtant tout ne va pas bien dans le meilleur des mundillos » possibles Paradoxalement, les novilladas piquées et non piquées donnent
satisfaction au public mais sont un gouffre
financier pour les organisateurs Pourtant,
c’est là que se construit l’avenir de la corrida tant au plan de la formation
du public et des toreros que de l’amélioration
du cheptel brave. Aujourd’hui monter une novillada (piquée ou non) c’est entre
3000 et 8000 euros de pertes. Certes il manque du monde sur les gradins, mais
il y a quand même une vraie réflexion à mener sur le modèle économique de ces courses.
Chacun doit contribuer à rendre rentable (ou au moins non déficitaire) les
novilladas. Si le public et les
organisateurs des arènes de première catégorie contribuent au niveau de deux
euros par billet , il est possible de subventionner l’ensemble des non piquées
et piquées des arènes de secondes et troisièmes à hauteur de 3 à 4000 euros. Si on y ajoute un effort des
professionnels (et pourquoi pas des
accrédités) et une optimisation du montage des courses (privilégiant par
exemple les circuits courts) par les organisateurs, on éviterait de voir disparaitre, comme à Hagetmau, Parentis,
Mimizan et autres ces novilladas. Les grands dirigeants du monde taurin ont
déjà pensé à cette taxe. Mais ils se trompent en l’imposant aux organisateurs
et au public des arènes de seconde et troisième catégorie, et en l’employant à
des actions de communication.
Dans
les « petites » arènes, on trouve soit un public très local pour qui
le prix est un facteur prépondérant ou
des aficionados « militants » qui laissent suffisamment d’argent aux
guichets des arènes. Dans les grandes férias, deux euros c’est le prix d’une
bouteille d’eau ou du foulard qui complète la tenue de ceux qui viennent se
faire voir en blanc, dress code oblige, sur les gradins.
Diffuser un film, débattre au sénat sont des actions intéressantes, mais, dans l’urgence,
elles font figure de grands travaux
inutiles comme souvent celles proposées par des dirigeants éloignés de la « vraie
vie ». Aujourd’hui les priorités ne sont pas à apprendre l’histoire de la
tauromachie ou à faire du lobbying auprès de politiciens qui de toute façon n’agiront
qu’en fonction de leurs intérêts, mais à rafistoler les fondations de l’acculturation
taurine qui passe obligatoirement par les novilladas piquées ou non.
Un dernier point, positif celui là, est la
perte de vitesse que connaissent les antis. Le gourou est souffreteux et pense
plus à instaurer un régime stalinien dans son association.
L’égérie
montoise, qui n’arrive pas à se faire reconnaître au-delà de la Garonne, a
laissé beaucoup d’argent dans des procès perdus et n’est plus entourée que d’un
quarteron de grenouilles d’abreuvoirs.
Ceux
du Gers sont occupés à régler leurs problèmes personnels et ceux de L214 ont
trouvé dans les abattoirs un filon plus rentable que la corrida pour leurs
besoins de médiatisation et de financement.
Le
combat n’est pas gagné, mais on peut aujourd’hui recentrer nos actions sur nos
problèmes « internes » dont bien entendu, la préservation des
novilladas piquées et non piquées.
Rendez
vous à tous le 05 février à Magescq pour le lancement d’une temporada que je
nous souhaite la plus riche possible en grands toros et faenas « cumbre »
Thierry
Reboul
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