Dax : bilan mitigé et histoire de piques

(Photos de Nicolas Couffignal et Matthieu Saubion)

Il a fait très beau pendant la Féria de Dax. La ville, le parc et les arènes sont toujours aussi jolis. On mange bien et on boit bien dur les rives de l’Adour.  Faire la Féria dacquoise est toujours un moment agréable. Le programme y est sans surprise, mais comme celui des Fêtes de Mauléon, il est vraiment beau.
Par contre voir huit corridas dans les arènes du parc Théodore Denis, peut faire passer l’aficionado moyen par tous les sentiments du plaisir partagé à la colère noire en passant par l’ennui profond.
Les triomphateurs de cette Féria ont été Baptiste Cissé pour les toreros et José Cruz pour les ganaderos.

Si on met à part, les deux non piqués, cette Féria a été extrêmement décevante côté bétail.
Les deux premiers lots, Nuñez del Cuvillo et Jandilla, mal présentés ont manqué de race. Faibles, sosos, ils  n’ont pas permis grand-chose à la muleta après avoir été inexistants au cheval.
Les Domingo Hernandez n’ont pas redoré le blason ganadero. Ils ont existé parce qu’ils ont été confrontés à l’illusionniste (El Juli), le chanteur de charme (Lopez Simon) et le jeune premier iconoclaste Roca Rey.  Le public venu voir un spectacle et vibrer n’en n’avait rien à faire que les toros soient faibles, sosos ou collaborateurs naïfs, il était là pour voir des passes devant des « toros bonitos ».   .
En trois corridas, il n’y a pas eu un tercio de piques digne de ce nom. A  tel point qu’Alain Bonijol a réuni ses chevaux le dimanche après la corrida de Garcigrande au patio de caballos. Il leur a dit « ok les gars, je vous ai offert deux jours et demi de vacances à Dax, mais il va falloir vous mettre au boulot cette après-midi. Il  y a les Pedraza qui arrivent ».

Bien entendu c’est une blague que m’a racontée mon ami Jacques. Mais elle traduit la déception des aficionados présents à Dax après ces trois premières corridas « de troisième tiers ». Elle exprimait l’attente placée par ces mêmes aficionados dans les deux derniers lots de toros  pour donner une autre dimension à la Féria dacquoise.
Les deux corridas toristas ont été elles aussi décevantes. Pedraza et Baltasar Iban étaient superbement présentés. Ils se sont parfois bien comportés au cheval. Mais, à l’exception du troisième Ibanes, ils ont manqué d’énergie, de chispa. Faibles ou affaiblis, ils se sont vite éteints à la muleta. Les causes de ce manque de forces sont comme d’habitude multiples. Pour l’ensemble des toros des cinq corridas, et aussi celle de rejon, la stabulation dans des corrales surchauffés n’est pas idéale. Pour les lots « toristas », la gestion des tercios de piques n’a pas arrangé les choses. Le summum, ou le fond, a été atteint avec le quatrième Pedraza mort d’avoir été trop piqué.

Parce que l’Aficion et le mundillo confondent revaloriser  et faire du spectacle, les tercios de piques sont aujourd’hui complètement dénaturés. Le cheval, qui n’est qu’un « moyen de travail » pour le piquero, est vedettarisé. Il est remarquablement dressé, et tant mieux si cela permet au piquero de se déplacer pour mieux citer le toro. Ce dressage pose problème quand il permet au cavalier de faire reculer le groupe équestre alors que le toro ne pousse pas vraiment. Cela fausse la vision du comportement du toro et   contribue  à altérer son moral, dégoûté d’avoir mal et de ne pas avoir de prises pour se défendre.
Le « vrai » cheval de pique, et il y en a encore heureusement, doit résister et se battre en opposition à la poussée. Certains l’ont fait à Dax et l’on a vu alors de vraies piques.
Autre effet de mode, on met une grosse pique à la première rencontre, puis on place loin le toro. Même manso, le toro finit par charger (souvent en se rapprochant par des petits pas). Le picador relève le palo. Tout le monde est content. Les tercios de piques sont alors trop longs, fatiguent les toros inutilement et les décomposent à force de coups de capes inutiles.
Il devient ridicule de vouloir faire, parce qu’on est en corrida torista,  systématiquement de tels tercios « scénarisés » .Chaque toro mérite son propre tercio comme il nécessite un lidia appropriée, et la pique en fait partie. Surtout si ce scénario comporte une rouste monumentale, à la première. Le public a vu un toro venir de loin à la pique, mais l’animal a laissé ses forces et son moral sous le fer. Le relevé de palo, aux deuxième ou troisième piques, n’est que de la démagogie. A ce jeu, le toro arrive parado au troisième tercio et l’aficionado est volé du combat qu’un Pedraza ou un Baltasar Iban est capable de livrer face à la muleta. C’est ainsi qu’est mort sans épée, un toro manso et faible a qui on a imposé trois piques « dosées » pour un toro brave, encasté et puissant.
Pour moi, et je peux me tromper, revaloriser le tercio de piques consisterait plutôt à lidier, au premiers tiers,  le toro en fonction de son comportement et d’adapter mises en suerte, intensité et duré du châtiment à sa bravoure et à sa force.

Heureusement  que sont sortis en non piquées deux lots encastés du Lartet et de José  Cruz. Les pupilles de Jérôme Bonnet ont manqué un peu de forces mais ont quand même donné beaucoup de jeu. Les erales de José Cruz ont été exceptionnels et ont contribué à faire de la finale, un grand moment.

Côté toreros, quatre sont sortis en triomphe (les  trois rejoneadors, un novillero) par la Porte Principale et cinq (dont un novillero) par la porte des cuadrillas.
Et pourtant, à l’exception de Cissé en non piquée,  ce ne sont pas ses triomphateurs qui ont réalisé, les meilleures faenas.
Je retiendrai de  cette Féria, la prestation  de Curro Diaz à son premier Del Cuvillo, faena pleine de classe et d’expression face à un toro sans grand intérêt. 

A mémoriser aussi, celle sincère et efficace de Juan Del Alamo, au  troisième Iban, le meilleur toro de la Féria.

Roca Rey a été intéressant, comme à son habitude, et a réussi une très bonne faena à son premier toro  et a été volontaire à son second.
Daniel Luque avait envie, a essayé mais a été  très mal servi.
Lopez Simon a plu au public du dimanche matin, mais sa jolie tauromachie, est vite languissante face à du bétail qui ne transmet pas.
Galdos a coupé deux oreilles à d’insipides Del Cuvillo sans totalement convaincre.
Rafaelillo a conservé son cartel après une honnête faena au premier Pedraza

El Juli a bénéficié de l’incompétence d’un président pour couper deux oreilles après une faena minimaliste et conclue par un affreux julipié.
Adame, Dufau, Manzanares, Fortes (à une trinchera près), Ureña, Pepe Moral,

En non piquée, Baptiste Cissé, vainqueur et qui est sorti par la Porte Principale lors de la finale, a confirmé ses progrès. 

Ce cycle a révélé un très bon muletero, David Salvador, élément à suivre.


Comme souvent à Dax, les présidences ont amplifié l’exagération du public. La palme de l’incompétence revient à Monsieur Duchon pour sa présence au palco, le dimanche matin.
Chose inquiétante, il restait des places vides sur les gradins les deux premiers jours.

On reviendra, et c’est le paradoxe de Dax , l’an prochain et pas que pour manger des tapas succulentes à l’Hôtel des Thermes des Arènes.



Thierry Reboul 

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