Mimizan / Maubourguet: L'air des Pyrénées réussit mieux aux toros que la brise marine.

(photos de Christian Sirvins)

Difficile de comparer Mimizan et Maubourguet, une corrida et une non piquée,  par contre la passion et l’abnégation qui animent les membres des deux clubs taurins est la même.  La qualité de l’accueil et la gentillesse est aussi un point commun entre les deux placitas. Ce weekend, les landais ont bien rempli  leurs arènes pour une corrida décevante, les pyrénéens ont enregistré une entrée moyenne  pour voir trois jeunes toreros affronter un très grand lot de Coquillas de Sanchez Arjona.  La tauromachie n’est pas une science exacte, ni un long fleuve tranquille pour les organisateurs L’important est de ne pas se décourager et de continuer dans la voie choisie. 
Côté antis, les deux arènes ont souffert par le passé du comportement de « petites frappes » des animalistes. A Maubourguet, ils sont aux abonnés absents. A Mimizan, parqués suffisamment loin des arènes pour ne pas nous gêner, ils sont un petit groupe totalement transparent. Il est vrai que le prix des amendes et les honoraires des avocats ont suffisamment grevé leur budget et les incitent à limiter leurs déplacements.
Des toros au bord de l’Atlantique
A Mimizan sont sortis sept toros (sobrero compris) de la famille Yonnet représentée au paseo par Charlotte. Tous biens présentés, ils ont fait preuve, à l’exception du sixième, d’une faiblesse maladive. Ils étaient handicapés au niveau du train arrière et manquaient en plus de force. Après des entrées en piste spectaculaires, ils se calmaient et réduisaient leur charge avant même d’être piqués. Ils étaient nobles mais pour la plupart incapables de supporter même une faena à mi hauteur.
 Ils auraient des tous êtres remplacés, mais cela n’est pas possible. Seul le second, du fer de Christophe, dont le handicap s’est transformé en paralysie après une incursion dans le callejon,  a été substitué par un exemplaire du même fer.
 La corrida a commencé avec trente minutes de retard mais on ne doit pas le reprocher aux organisateurs. Il a fallu attendre le chirurgien, bloqué dans un embouteillage et on ne joue pas avec la sécurité des toreros.  Juste un petit reproche côté organisation, le tracé délimitant la zone de piques  n’a jamais été refait  et est devenu « illisible » à partir du quatrième toro.
Je m’attendais à voir Morenito de Aranda en roue libre. Ce ne fut pas le cas. Malgré le peu de possibilités de ses adversaires, il s’est efforcé de toréer avec application et une sincérité qu’on ne lui connait pas toujours.
Son premier toro, le seul qui manquera de trapio, fait illusion en poussant à la première pique. La seconde est administrée pour la forme. Avec « métier », il entreprend le Yonnet par le haut et arrive en le soutenant à tirer une très bonne troisième série de derechazos.  C’est tout ce que supportera, malgré un fond de noblesse certain, le bicho devient soso puis  éteint.  Morenito abrège et tue mal en prenant le périphérique.
Le quatrième est quasi invalide. Il est épargné au cheval.  Morenito utilise la muleta, plus comme une béquille que comme un leurre. Rien n’y fait et le toro tombe à plusieurs reprises. Le torero clôt les débats par trois entrées à matar « périphériques ». Le toro est sifflé à l’arrastre.

Prévoyant ou chanceux Pepe Moral profitera des seuls moments où ses deux toros auront un peu de charge pour leur tirer, à chacun, une très bonne série à la cape. Il arrachera au public les seuls « olés » de l’après-midi. Son premier adversaire saute dans le callejon, casse un peu de matériel photographique. Revenu en piste, il se paralyse presque immédiatement du train arrière. Complètement invalide ; il  est puntillé   Le sobrero prend une pique en poussant, sort seul de la seconde. Dès les banderilles, il est tardo et se décompose. Le torero essaie d’arracher quelques passes à un toro sans charge. L’émotion de Dax 2015 est bien loin. Le sévillan abrège rapidement en prenant le minimum de risques.
Le cinquième est un invalide qui est incapable de suivre la muleta. Pepe Moral plie, à juste titre, rapidement les trastos et, c’était à la mode ce jour à Mimizan, fait un détour pour tuer. Le toro est sifflé à l’arrastre.
Thomas Dufau, pour son dernier contrat 2016, a touché les deux toros qui offraient le plus de possibilités. Il n’a pas fait grand-chose du troisième et est passé à côté du sixième  qui avait le plus de charge.  
Le troisième est juste de force. Il a une charge courte et chute à plusieurs reprises. Toréé à mi hauteur, il aurait peut être permis une autre faena.  Dufau essaie de réchauffer le public par des séries trémendistes, mais la température redescend au moment de la mise à mort approximative.
Le sixième est le seul toro « valide » du lot. Il est coincé par le picador pour une carioca  que laisse faire le torero.  S’il avait voulu faire piquer après la sonnerie, Thomas Dufau ne s’y serait pas pris autrement. Il le met en suerte et le laisse filer pour une pique inutile, après que les trompettes ont sonné le changement de tercio. Le toro est noble. Il a une bonne corne gauche. Le torero bâtit une faena essentiellement droitière très « lointaine » et marginale. Il fait un pasito atras à chaque passe. On est très loin du torero  vu à la Madeleine. Le public, frustré de ne pas avoir vibré, se laisse faire et obtient une oreille après une faena très décevante et en dessous de ce que permettait le Yonnet, dommage et inquiétant…………
Corrida à oublier, et du travail pour Charlotte Yonnet, problème alimentaire ou, plus grave génétique, il va falloir en identifier les causes et trouver des solutions si on ne veut pas voir disparaitre  la plus ancienne ganaderia de toros bravos française.
Pour les statisticiens,  ci-dessous la fiche technique
Arènes de Mimizan, corrida des Fêtes 2016
5 toros d’Hubert Yonnet et un de Christophe Yonnet (2 bis qui a remplacé le titulaire du même fer  totalement invalide) bien présentés et armés mais très faibles. Seul le dernier plus solide a donné du jeu et permis une faena.
Morenito d’Aranda : un avis et silence, un avis et silence
Pepe Moral : silence, silence
Thomas Dufau : silence, une oreille
Dix piques et picotazos
Cavalerie Bonijol
Agréable météo maritime
Entrée : trois quarts d’arène
La course a commencé avec trente minutes de retard, le chirurgien étant bloqué dans des embouteillages.

Des erales de grande classe au pied des Pyrénées
Les Coquillas se font rares depuis que les grands théoriciens du torerisme ont décrété que hors Domecq point de salut et que ceux du torisme ont exigé  que les toros soient lourds et très armés.

Heureusement que quelques romantiques continuent à les élever et quelques acharnés à les programmer. Depuis trois ans, que ce soit à Saint Sever, Aire, Parentis et aujourd’hui à Maubourguet , les bichos de cette encaste ont offert des possibilités aux toreros et donné satisfaction aux aficionados présents sur les gradins. Seul fausse note le novillo qui est sorti en 2015 à Saint Perdon,   trop handicapé par sa faiblesse.
Les pupilles de Sanchez Arjona sortis, ce dimanche, à Maubourguet sont morts bouche fermée, sans avoir fléchi. Bien présentés, encastés, ils répondaient à tous les cites, partant de loin ; humiliant et répétant dans les capes et les muletas. A l’exception du cinquième, un peu plus compliqué , ils se laissaient toréer et pardonnaient les erreurs des matadors et des peones.
Idéaux pour les toreros, intéressants pour les aficionados et ceux qui découvraient la corrida, on se demande bien pourquoi certains ne veulent pas entendre parler de cet encaste, surtout en non piquées. Tous les erales ont été applaudis à l’arrastre.
Carlos Olsina manque de métier. Il découvrait les Coquillas et s’est parfois laissé déborder.
Le premier est encasté et noble. 

En début de faena, il vient avec franchise et permet au jeune biterrois de réaliser de bonnes séries à droite. Il lui faudra juste toréer moins cassé en deux surtout  quand il allonge, ce qu’il fait bien, la charge du novillo.

 Il manque encore de poder et l’eral prend le dessus. Débordé sur certaines passes, le torero a du mal à tirer quelque chose côté gauche où le coquilla est plus compliqué.  Carlos tue mal et doit se contenter de saluer.
Le quatrième est exigeant. Le jeune novillero aura du mal à trouver le sitio et ne baissera pas assez la main.  Sauf sur une série, où il fait humilier le bicho, il a du mal à s’imposer et se fait accrocher la muleta. Olsina fixe avec difficulté le Sanchez Arjona , tue mal après être passé à côté d’un bon novillo.

Le second  a de la fixité tout en étant encasté, noble et exigeant. 

Baptiste Cissé, peu croisé et un peu électrique,a du mal en début de faena à canaliser la charge du novillo qui le prend de vitesse sur les premières séries à la muleta. 

En toréant à mi hauteur, il finit par régler la charge du toro et à plus templer ses passes. Il termine par de bonnes séries de derechazos et coupe une oreille après une estocade efficace.
Le cinquième est compliqué. Il est costaud et a plus de genio que de bravoure. Aux banderilles, il est violent et coupe le terrain.


 Baptiste le double bien. A gauche, il arrive à canaliser le toro et tire de bonnes séries de naturelles avec une très belle passe en fin de faena.

 Il doit se contenter d’une vuelta après une mise à mort difficile.

Le troisième est encasté, lui aussi.  Exigeant, après un bon tercio de banderilles, il déborde Rafi. Le nîmois n’arriva pas à s’imposer et à maîtriser la caste du bicho. Il se fait accrocher la muleta à plusieurs reprises. 

On retiendra d’une faena brouillonne, deux bonnes séries à gauche à la moitié et à la fin de la faena. Très en dessous des possibilités de l’eral, Rafi a de gros soucis avec les aciers. . Il s’octroie quand même une vuelta malgré un grand nombre de descabellos (sic). Dommage car le toro  offrait et permettait mieux.
Le sixième sera le meilleur novillo de la course. Très encasté et noble, il ira à mas. 


Rafi réalise une bonne faena profitant des qualités de noblesse, répétition  de l’eral tout en restant en dessous des possibilités offertes. Son travail est appliqué mais sans émotion  artistique, alors que le Coquilla a les qualités pour donner une autre dimension à la faena. Rafi s’engage et met une demie verticale et coupe une oreille.  Le novillo fait une vuelta très méritée, tout comme l’est le salut du ganadero à l’issue de la course.

Les novilleros applaudis en quittant la piste, ont probablement plus appris, ou apprendront plus en analysant leur course, qu’en plusieurs après-midi de carreton ou de Domecq.
Les aficionados sont eux impatients de voir le comportement du Coquilla de Sanchez Arjona qui sera toréé par Juanito lors de la novillada concours de saint Perdon.
Toujours pour les fans de statistiques
Arènes de Maubourguet, novillada non piquée des Fêtes 2016
6 erales de Coquillas de Sanchez Arjona, bien présentés, très encastés, nobles et offrant beaucoup de possibilités pour
Carlos Olsina : un avis et salut, un avis et silence
Baptiste Cissé : une oreille, vuelta
Rafi : un avis et vuelta, une oreille
Vuelta au sixième eral
Salut du ganadero à l’issue de la course
Président Roland Bruno (Aire sur Adour)
Température estivale
600 personnes.

En conclusion  d’un week-end très contrasté, on peut se demander qui aura le plus de travail l’an prochain, les mimizannais pour faire oublier la faiblesse des toros ou ceux de Maubourguet pour retrouver des erales aussi encastés que les Coquillas de Sanchez Arjona.
En attendant d’avoir la réponse, l’an prochain, rendez vous, sauf pour les antis, dimanche au Plumaçon pour la novillada concours de Saint Perdon


Thierry Reboul

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