Bilan de la temporada 2017
Noël passé, vient le temps des bêtisiers et des rétrospectives. Peu enclin à me
gausser des maladresses des uns et des autres, je me contenterai de revenir
en quelques lignes sur ce qui m’a marqué lors de cette temporada 2017 dans le
Sud Ouest.
Je laisse aux statisticiens le bilan comptable des courses organisées, des contrats signés et des oreilles coupées pour livrer aux lecteurs des Chroniques du Moun mes coups de cœur, mes déceptions, mes coups de gueule et mes espoirs. L’exercice est moins contraignant mais est plus contestable. Il est inévitablement faussé par mes partis pris, mes certitudes et même mes incompétences. Ce bilan n’engage que moi mais je l’assume totalement.
Je laisse aux statisticiens le bilan comptable des courses organisées, des contrats signés et des oreilles coupées pour livrer aux lecteurs des Chroniques du Moun mes coups de cœur, mes déceptions, mes coups de gueule et mes espoirs. L’exercice est moins contraignant mais est plus contestable. Il est inévitablement faussé par mes partis pris, mes certitudes et même mes incompétences. Ce bilan n’engage que moi mais je l’assume totalement.
L’année
2017 a été marquée par la mort, à Aire,
d’Ivan Fandiño. Au-delà des hommages rendus, cette tragédie est là pour nous
rappeler que la corrida est une transposition théâtrale de la vie avec ses
moments d’euphorie, de fête mais aussi de douleur et de souffrance. Cela nous
ramène au sérieux qui doit présider à la « chose taurine » et au
respect envers ceux qui risquent leur intégrité physique et même leur vie sur
le sable des arènes.
Mon
premier coup de cœur va aux non-piquées, à leurs organisateurs, aux éleveurs,
aux novilleros et à tous ceux qui se lèvent souvent tôt le matin pour y
assister. Au-delà de leur nombre important, c’est surtout le sérieux avec lequel elles sont organisées qui les
différencient des autres régions taurines. Le travail de l’association des organisateurs, la présentation du bétail,
le sérieux presque trop « rigoriste » des présidents, les petits
détails d’organisation (sorteo, musique...) , la présence de nombreux
jeunes sur les gradins en font un vrai vivier de formation pour les toreros et
les aficionados en herbe. Voir les arènes de Dax quasi pleines pour les deux non-piquées de la féria ne doit pas faire oublier que les autres organisateurs
galèrent pour équilibrer ce type de courses.
De 2017 on retiendra la qualité des erales fournis par les éleveurs qu’ils soient espagnols et surtout locaux.
De 2017 on retiendra la qualité des erales fournis par les éleveurs qu’ils soient espagnols et surtout locaux.
Certains noms ont confirmé (Conde de Mayalde, Astarac et Camino de Santiago,
Lartet, Alma Serena, Coquillas, José Cruz), d’autres ont montré les progrès
réalisés (Casanueva, La Espera, Guadaira), tous ont fourni du bétail très
sérieux par leur présentation et leur comportement. Face à eux, des garçons
comme El Rafi, Yon Lamothe, Dorian Canto, Ismael Jimenez, Manuel Diosleguarde et
Alejandro Mora ont su se mettre au niveau des erales, construire des faenas
intéressantes.
Il leur reste à être plus
efficace à la mort, le maniement des aciers semble en effet une matière où ils
ont de vraies lacunes.
Les deux matadors qui m’ont fait le plus vibrer cette temporada sont sans conteste Juan Bautista et Emilio de Justo.
L’arlésien est au sommet de son art. Torero
très précis, très voire trop technique, il a pris cette année une dimension
artistique qui donne une toute autre dimension à sa tauromachie.
Sa faena au
second « La Quinta » montois restera longtemps gravée dans la mémoire
des aficionados présents. Tout au long de la temporada il a su dominer ou
parfois inventer ses adversaires toréant avec profondeur, mêlant aux passes
fondamentales de très belles trincheras,
changements de main et autres inspirations. Il est avec Manzanares, un orfèvre
de l’entrée à matar à recibir. A Mont de Marsan, à Vic cela lui a permis de
couper des oreilles. Son entêtement à le faire même à des toros courts de
charge en fin de faena, comme à Tyrosse, l’a privé de trophées qui semblaient
pourtant acquis.
Révélation de 2016, Emilio de Justo a confirmé qu’il est un grand torero lors de ses prestations dans le Sud-Ouest.
La communication du torero mettra en avant sa
sortie par la Porte Principale de Dax après avoir coupé trois oreilles à des
Victorinos. C’est pourtant sa faena de Villeneuve de Marsan face à un toro de
Patrick Laugier qui est, pour moi, le sommet de sa temporada. Le torero de Cacérès a été à la fois lidiador pour forcer un animal tardo et de peu de charges à passer et artiste
avec de superbes séries de naturelles
qui sont sa marque de fabrique. Il y a beaucoup de ressemblances entre Emilio
et Joselito, le mauvais caractère en moins et il y a une vraie place pour ce
torero parmi les toreros qui comptent et surtout qui totalisent des contrats.
2018 sera pour De Justo une année cruciale. Il devra, en surfant sur ses succès
face au Victorinos, gagner des contrats dans les grandes arènes espagnoles sans
s’enfermer dans la catégorie « corrida dure ». La partie n’est pas
gagnée d’avance car il doit s’appuyer sur un apoderado qui lui ouvre des portes
sans rompre avec Luisito qui lui est à la fois son coach technique et surtout
son préparateur mental. Il sera le
torero à suivre en ce prochain début de temporada.
Autre
satisfaction, la Féria de Vic ; Bayonne a toujours du mal à reconquérir un
public malgré quelques faenas intéressantes. La présentation et le comportement des toros dans les deux arènes landaises
de première catégorie ont été très décevants.
Par contre la placita gersoise avec
une programmation alliant toreros solides et élevages sérieux a connu une très
belle temporada 2017 ; tant au plan artistique que commercial. Côté toreros on retiendra les prestations
de De Justo, Octavio Chacon, Bautista et
Vanegas. Les Dolorès du samedi, les Alcurrucen du lundi, le Miura et le
« Los Maños » de la concours, tous très bien présentés ont mis de
l’émotion en piste ; Les vicois semblent avoir trouvé l’équilibre entre
toros sérieux et toreros capables qui leur a souvent fait défaut, si on oublie
les prestations de Michelito et Paulita.
Ceux qui ont râlé à l’annonce du cartel du lundi, ont eu tort.
Être et revendiquer d’être une arène toriste ne signifie pas monter des cartels avec des toros impossibles et des toreros qui n’ont que leur courage à leur opposer. La corrida torista doit attirer le public en présentant des toros dignes de ce nom, transmettant de l’émotion face à des toreros capables de les mettre en évidence ; S’ennuyer sur les gradins ne fait pas revenir un spectateur et fait abandonner les ruedos à la majorité des aficionados même purs et durs. Vic semble avoir trouvé un juste équilibre et les arènes étaient bien garnies le lundi alors qu’il n’y avait à la même heure que 3500 personnes à Nîmes.
Être et revendiquer d’être une arène toriste ne signifie pas monter des cartels avec des toros impossibles et des toreros qui n’ont que leur courage à leur opposer. La corrida torista doit attirer le public en présentant des toros dignes de ce nom, transmettant de l’émotion face à des toreros capables de les mettre en évidence ; S’ennuyer sur les gradins ne fait pas revenir un spectateur et fait abandonner les ruedos à la majorité des aficionados même purs et durs. Vic semble avoir trouvé un juste équilibre et les arènes étaient bien garnies le lundi alors qu’il n’y avait à la même heure que 3500 personnes à Nîmes.
Dommage
que la pluie ait interrompu la novillada matinale du samedi. Les deux premiers
Raso de Portillo superbes de présentation et encastés au possible laissaient
augurer d’une course « historique ».
Grosse
déception du côté des novilladas, on s’est ennuyé ferme tout au long de la
temporada gasconne. Quelques novillos intéressants n’ont pas trouvé les
novilleros capables de les mettre en évidence. Les efforts faits, et les risques financiers
pris par les organisateurs pour monter
des novilladas ont été gâché par des novilleros soit limités techniquement,
soit pas motivés. Le summum a été atteint à Bayonne où six Los Maños sont
partis au matadero avec leurs oreilles, les deux novilleros, pourtant punteros,
passant complètement à côté.
De
plus les organisateurs, du moins à partir de mi-saison ont oublié, en
particulier pour d’éventuels remplacements, un novillero français : El
Adoureño qui finit troisième de
l’Escalafon et remporte le Zapato de Oro.
La novillada est en danger le système des écoles taurines, très
adapté et bénéfique aux non-piquées,
n’est pas adapté à l’échelon supérieur Les novilleros doivent pour apprendre se
confronter à des difficultés (toréer toutes les encastes) et gagner dans l’arène
le contrat qui suit. Il ne s’agit pas de
les élever à la dure mais de les préparer à une carrière difficile où les
illusions sont souvent perdues.
Aucun
des lots de toros combattus en France ne s’est vraiment démarqué. Seuls
quelques courses « toristas » ont été intéressantes (Valverde
d’Orthez, Aguirre de Vic, Baltasar Iban d’Aire, Adolfo Martin de Mont de
Marsan); Les lots destinés aux corridas toreristes sont sortis soit faibles et
sosos soit décastés décevant même les toreros qui les imposent.
Je
ne suis pas fait que des amis quand j’ai écrit que les Pedraza de Yeltès
étaient loin de constituer la corrida historique que certains ont cru
voir. Il est vrai qu’après les nullités
sortis à Dax depuis le début de la féria, une corrida normale et entretenue
comme toute devrait l’être fait figure de borgne au royaume des aveugles.
Uranga et Ignacio Sanchez qui gèrent cet élevage, veulent
« l’adoucir » pour qu’il convienne aux exigences des figuras. Ils y
sont presque arrivés. Les toros sortis à Dax se sont surtout caractérisés par
leur noblesse et leur alegria au troisième tiers.
Le quatrième inexistant au
premier tiers a été un monument de noblesse dans la muleta de Rafaelillo qui a
su l’exploiter ; mais de là, à en faire un toro d’indulto comme le disait
l’éleveur après la course, il ne faut pas exagérer. On est loin d’un Miralto et
autres novillos sortis à Saint Perdon ou Garlin, il y a quelques années. Seul
le sixième a fait illusion au cheval. C’est plus le picador qui a fait le
tercio de piques que le toro. L’encaste Aldanueva produit des toros lourds et
avec de la force. Ils sont souvent,
comme le dernier de Dax, plus puissants que braves surtout face à un cheval
léger qui ne résiste pas. De plus il ne faut pas confondre un toro qui galope
avec l’expression d’une grande bravoure. C’est sous la douleur de la pique et
face à la résistance du cheval que l’on voit la qualité du bicho.
Ce qu’on a vu à Dax, on l’a vu aussi à Tyrosse avec des toros de même encaste (Pedrès). Tout cela pour dire que l’on a vu à Dax une course entretenue, la seule du cycle, et pas la course du siècle. Pedraza de Yeltès s’oriente avec succès vers cette tauromachie « toreriste » avec un premier tiers spectacle que certains cherchent à nous imposer.
Ce qu’on a vu à Dax, on l’a vu aussi à Tyrosse avec des toros de même encaste (Pedrès). Tout cela pour dire que l’on a vu à Dax une course entretenue, la seule du cycle, et pas la course du siècle. Pedraza de Yeltès s’oriente avec succès vers cette tauromachie « toreriste » avec un premier tiers spectacle que certains cherchent à nous imposer.
Mon
premier coup de gueule pour cette temporada est attribué à cette même ganaderia
qui a imposé à Garlin et Saint Perdon deux novillos imprésentables ; Ce faisant,
ils ont manqué de respect au public mais surtout à deux clubs taurins
organisateurs qui se battent pour défendre une certaine éthique de la
tauromachie et qui ont été ceux qui ont permis aux Pedraza de Yeltès de sortir
de l’anonymat.
Le
manque de réaction du public quand sort en piste un toro aux cornes abimées
devient de plus en plus inquiétant. Que la cause soit liée à des problèmes de
débarquement ou de chiqueros, aux fundas qui altèrent la qualité de la corne ou
à une manœuvre frauduleuse, un toro de combat doit avoir les seules armes dont
il dispose intactes. Est-il imaginable qu’un matador se présente en piste avec
une demi-muleta et une épée en plastique pour tuer ?
La
qualité des toros doit avoir grandement augmenté cette année quand on voit le
nombre de mouchoirs bleus ou de pétitions de vuelta. Le tour de piste est là
pour honorer un grand toro pas pour
récompenser un animal qui a plus servi que combattu ou pour ajouter un
élément de scénario obligatoire. Comme dans un vaudeville, il faut des femmes
infidèles et de maris ridicules, pour une partie du public, plus spectateurs
qu’aficionados, il faut que la musique joue, les oreilles soient coupées et que
les mules fassent un tour de piste avant d’évacuer le toro.
Et qu’on ne me dise
pas que dans les pueblos espagnols c’est pire. J’ai vu des publics et des présidences
sérieuses en Navarre et la plupart de ceux, qui dans le Sud-Ouest se battent
pour monter des courses, visent un autre niveau que celui d’une arène de
village. Il y a un gros travail d’éducation à faire si on veut préserver le
sérieux de nos arènes et ne pas basculer dans le triomphalisme à coup de sorties à hombros et d’indultos qui gangrène les arènes du Sud-Est.
Autre
coup de gueule, une nouvelle étape est franchie dans la scénarisation du
premier tiers. Certains poussent à l’utilisation de la pique de tienta au-delà de
la seconde pique. Petit on transforme ce
tercio en séquence de rejoneo et on oublie sa finalité « régler le toro et
mettre en évidence sa bravoure ». Un toro brave doit être capable de
prendre trois ou quatre piques normales. S’il est bravissime (potentiellement
indultable), il peut en prendre plus avec la pique de tienta. S’il est faible,
il en prend deux ou moins mais se voit interdire toute vuelta ou grâce.
Autre
dérive inquiétante, El Juli a fait des émules. Le nombre d’‘estocades basses et
des bajonazos augmente. Ce qui dangereux, c’est qu’une partie de plus en plus
grande du public cautionne cela car ces épées placées dans le « rincon »
sont souvent très rapides, voire spectaculaires d’effet. Le toro mérite que le torero l’estoque dans les
règles de l’art et en s’exposant. Il faut admettre qu’il ne tombe pas
immédiatement.
Être aficionado s’est « espérer ».
Dans ce tableau d’une saison 2017
grisâtre, il y a quand même quelques lueurs d’espoirs. Des toreros comme
Octavio Chacon, Tomas Campos, Manolo Vanegas, El Adoureño, Yon Lamothe et
Alejandro Mora se sont révélés.
Une ganaderia « El Pincha » a suscité
l’intérêt au point de voir programmer un lot complet à Mugron.
Et
puis la présence régulière sur les gradins, de trois aficionados juniors mais
déjà avertis donne envie de se battre pour que perdure la Fiesta Brava. L’une
est vicoise et connaît tout d’Octavio Chacon. Le second est landais et veut
devenir picador. Le troisième a un grand père auvergnat dont il a hérité la
passion et l’exigence et a déjà un mouchoir vert dans sa poche et fait
le déplacement à Céret.
Dommage
qu’il n’y ait pas plus de jeunes sur nos gradins ; C’est vers cette
population que doivent converger nos efforts pour les attirer vers la
corrida en pratiquant une politique tarifaire adaptée et en les formant. De
nombreuses initiatives voient le jour que nos instances nationales (UVTF, FSTF,
UCTPR et ONCT) seraient bien inspirées de soutenir.
Depuis
presque un lustre, ce sont invités dans notre monde taurin, des individus
souvent bêtes et méchants que certains ont nommé les antis. 2017 a vu l’échec
de leur politique d’actions de masse sur le terrain avec mégaphone et pancartes
ridicules. Ils ont perdu leur gourou et ce ne sont pas ceux qui lui succèderont
qui pourront mener des manifestations dont ils ont mesuré l’inefficacité. De nouvelles actions avec saut en piste ont
vu le jour. Elles n’auront qu’un temps car risquée au plan physique et légal.
Les sbires « légalistes » de l’Alliance anti corrida sont esseulés et
rejetés par le reste du mouvement. Les mangeurs de salade végans sont plus
occupés à faire du buzz avec des actions truquées dans les abattoirs. Ils vont
finir par être démasqués. Aujourd’hui le problème est davantage celui d’une société qui s’animalise.
On ne donne plus, pour endormir les gens, du pain et des jeux mais de la salade et de
« l’animalitude ».
Pour l’instant, on ne créera pas une vague de nouveaux aficionados comme à l’époque « Canal + ». La corrida n’est pas dans une phase d’extension comme dans les années quatre-vingt dix. Occupons nous de la loyauté, du sérieux des courses organisées, éduquons le public qui y assiste. Et surtout transmettons à nos enfants toute ou partie de nos passions. Comme le dit le proverbe provençal : « si nous ne sommes pas plus, ne soyons pas moins »
Pour l’instant, on ne créera pas une vague de nouveaux aficionados comme à l’époque « Canal + ». La corrida n’est pas dans une phase d’extension comme dans les années quatre-vingt dix. Occupons nous de la loyauté, du sérieux des courses organisées, éduquons le public qui y assiste. Et surtout transmettons à nos enfants toute ou partie de nos passions. Comme le dit le proverbe provençal : « si nous ne sommes pas plus, ne soyons pas moins »
Reste
à vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année, une grande temporada 2018 et
vous donner rendez-vous à Magescq, Arzacq et Pontonx en février………………
Et
encore mille mercis à Philippe, Romain, Matthieu, Nicolas, Christian et Laurent,
les fans du petit boitier numérique qui m’ont accompagné cette saison, y compris pour ce bilan, et à tous
les organisateurs qui nous ont accrédités.
Thierry
Reboul
Belle reseña 2017
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