Derniers regards sur la temporada 2018

Vidéos d'Alain Garres (CorridaTV)
Photos de Matthieu Saubion (Vuelta a los toros)

Les premiers cartels sont publiés, les autres sont en cours de négociation, les aficionados sortent de leur hibernation et s’étripent sur facebook au sujet, non pas du sexe des anges, mais de la taille des novillos. Certains passent et repassent leurs vieilles cassettes VHS
La  temporada débute à Magescq dimanche. Il est donc temps de porter un dernier regard sur la temporada passée et imaginer ce que pourrait être celle de 2019 dans notre Sud-Ouest.

2018 restera marquée par la gravissime blessure de Thomas Joubert aux arènes de Bayonne. Le torero arlésien ne doit la vie qu’à la qualité et l’efficacité de l’équipe médicale de la placita basque. Il est grand de clouer le bec à ceux qui, donneurs de leçons, se permettent de mettre en cause l’activité de ces praticiens bénévoles et aficionados qui sont capables de faire des miracles. 

Sans eux pas de tauromachie et l’augmentation des coûts des assurances « médicales » imposée aux organisateurs ne doit pas amener à  négliger le niveau de sécurité nécessaire au déroulement d’une corrida.
N’oublions pas ceux qui ont été gravement blessé chez nous et dans les autres régions taurines comme Manolo Vanegas, Paco Ureña, Juan Leal, le raseteur provençal Deslys  et trop d’autres connus ou  pas  qui ont payé de leur sang le prix de leur et de notre passion.
2019 a été la dernière temporada de Padilla. Je n’ai jamais été un fan du torero de Jerez. Mais on ne peut pas lui enlever des qualités de lidiador qu’il cachait souvent derrière des shows plus spectaculaires que taurins. L’homme, trop souvent et horriblement châtié par la corne, mérite le respect. Je garderai de lui, le souvenir de sa seconde faena en 2017 à Eauze. Faena que je n’ai pas appréciée en tant que telle mais dont le baroque et la démesure a été pour beaucoup d’entre nous, encore marqué par la mort de Fandiño, une catharsis émotionnelle nécessaire et réparatrice.


Ce qui caractérise le Sud-Ouest, c’est le nombre et la qualité des non-piquées qui y sont organisées. Cette année a confirmé les précédentes. La qualité du bétail a été à la hauteur des espérances des organisateurs avec d’excellentes sorties du Lartet tout au long de la saison. Pour moi le meilleur lot restera l’encierro d’Alma Serena d’Hagetmau, dommage que la concurrence d’autres courses ait fait que peu de personnes l’aient vu. On gardera en mémoire les Conde de Mayalde d’Arzacq, les Turquay de Plaisance et d’autres lots bien présentés qui ont permis aux jeunes toreros de peaufiner leur apprentissage. 
Au-delà de la qualité du bétail, il faut aussi se féliciter de la qualité de l’organisation des courses par des aficionados bénévoles, aidés par l’organisation des clubs taurins organisateurs du Sud-Ouest qui œuvrent ainsi pour la pérennité de la tauromachie. Il faut continuer à promouvoir ses actions et en particulier les bolsins organisés par Juan Leal à Pontonx  et le club Soledad à Bougue ou le concours de Castelnau-Rivière-Basse. Ils méritent que les aficionados qui remplissent les arènes dacquoises, montoises ou vicoises fassent un petit effort pour se déplacer et  les soutenir.


Pour ce qui est des novilleros, au fil de la saison se sont détaché deux jeunes toreros français Solalito et Yon Lamothe qui ont trustés l’ensemble des trophées mis en jeu. Côté hispaniques, le torero qui m’a le plus marqué est Villita. J’ai beaucoup apprécié Alfonso Burdiel  et le mexicain Aguilar. Ont pointé le bout de leurs zapatillas des garçons comme le nîmois Niño ou le sévillan Pablo Paez qu’il sera intéressant de suivre en 2019.



Si 2017 a été une année sans pour les novilladas dans le Sud-Ouest, 2018 S’est révélé être un très bon millésime. Côté bétail, de très bons lots avec les Retamar de Vic, les Pedraza de Yeltès garlinois, les Aguadulce de Parentis et les José Cruz dacquois ont permis aux aficionados de vivre de belles après-midi. Le quatrième Retamar a été pour beaucoup le meilleur toro combattu dans notre région, toutes catégories confondues, avec un magnifique tercio de piques à charge de Laurent Langlois. La saison s’est terminée avec une  intéressante corrida concours organisée par le club taurin La Muleta de Saint Perdon.  Même si aucun des novillos n’a fourni une pelea suffisamment complète pour prétendre à remporter la compétition, la variété des encastes et des comportements de mansos con casta (en particulier le dernier Coquilla de Sanchez Fabrès) a  donné une course très entretenue. Que les tenants de la mono encaste Domecq en tirent les conclusions qui s’imposent. En tauromachie, on peut combattre aussi l’ennui par la diversité.


Côté novilleros, la cuvée 2018 a été un bon cru en particulier chez les novilleros français. Dorian Canton a énormément progressé de ses débuts à Mugron jusqu’au Festival de Samadet. Il a affiné son style et a montré qu’il était capable de s’exprimer aussi bien face à un Aldanueva compliqué comme le dernier Pedraza de Garlin que devant un Santa Coloma de Los Espejos à Samadet. 

Le béarnais est un athlète, ce qui lui a permis de s’adapter rapidement au volume des utreros. Il a su, et c’est un signe encourageant pour la suite, affiner sa tauromachie. Il ne sera probablement jamais un torero artiste mais il a les moyens et capacités pour devenir un lidiador « polyvalent » capable de  toréer aussi bien des toros compliqués que des toros nobles.

El Adoureño après sa temporada 2017 en Espagne, était très attendu, voire attendu au tournant pour ses débuts en France. Sa saison a été chaotique perturbée par une blessure à l’épaule et un bagage technique qui demandait à être « assuré ». Yannis a eu un apprentissage à l’ancienne, il a un fort caractère qui peut l’amener à se braquer mais qui l’aide aussi à franchir les obstacles qui se sont ou ont été mis sur son chemin. Il a réussi à atteindre un premier palier avec une alternative qui s’est bien passée à Dax. A lui de travailler pour « muscler » son jeu et passer ce cap difficile qu’est la première année après l’alternative.

Baptiste Cissé est la confirmation de l’année. Parti d’un agenda vide, sans contrat en début de temporada, il s’est gagné tous ses engagements par les succès qu’il a obtenus sur le sable des ruedos. Il a commencé par damer le pion à ses compagnons de cartel à Aire et Vergèze. A Soustons, lors de la Fiesta Campera, il a montré toutes les facettes de son talent avec une faena efficace et d’une très grande élégance. Il a manqué de peu la grande porte à Dax (qu’il avait déjà ouverte lors de la finale des non piquées en 2017) face à de très exigeants novillos de José Cruz.  Il mérite qu’on lui donne la possibilité de prendre l’alternative lors de la temporada qui s’annonce.

Baptiste Molas a fait forte impression lors de ses débuts en piquée à Dax. Ce jour là, il a surpris le public par sa tauromachie très andalouse. Il y a de la place dans le microcosme français pour un torero avec une telle personnalité  En 2019 il sera très attendu par les aficionados, à lui de confirmer.

L’élève de Patrick Varin, El Rafi, a fait une première temporada en piquée qui est allée à mas. Il sera un des « hommes de base » des carteles de la prochaine saison.
Maxime Solera a eu une saison gâchée par de nombreuses blessures. Le garçon est un belluaire, une sorte de Betsen de la tauromachie. Il a énormément de courage, il sait mettre en évidence les qualités de ses adversaires, en particulier par sa lidia au tercio de piques, il lui reste à affiner sa technique à l’épée pour ne pas perdre à la mort le bénéfice de son engagement que ce soit au premier ou au troisième tiers.   
Adrien Salenc, une fois remis de son opération à l’épaule a confirmé qu’il était prêt à passer à l’échelon supérieur ce qui se fera lors de la prochaine Féria d’Istres.
D’autres toreros comme Kike, Vincent Perez n’ont pas été vu dans le Sud-Ouest.
Pour les ibériques, Toñete qui a pris l’alternative à Nîmes a triomphé à Hagetmau sans convaincre. Francisco de Manuel, précédé d’une excellente réputation après ses premiers succès tra los montes, a confirmé à Mont de Marsan  qu’il était un torero « à fort potentiel » ; Il devrait être de tous les principaux cartels en 2019 :
Saint Sever l’avait révélé en non piquée, Alejandro Mora a confirmé à Garlin en piquée qu’il était lui aussi un torero à suivre  (et qu’il avait hérité des gènes taurins familiaux).
A côté de De Manuel et Mora, des garçons comme Carballo, Cristobal Reyes, Aquilino Giron, Kevin de Luis se sont mis en valeur, face à des novillos de respect (Raso de Portillo, Conde de la Maza). Ils méritent que les organisateurs leur face à nouveau confiance.


Des novillos de qualité, des garçons, dont des jeunes français, motivés et ayant des styles et des personnalités affirmés, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes taurins  Malheureusement, la novillada va aussi mal qu’en 2017. Les grandes arènes qui pourraient monter des cycles de novilladas, se limitent à l’organisation d’un spectacle dans la temporada. Elles laissent aux clubs taurins organisateurs les difficultés et le risque financier de monter des piquées. 

Ces derniers sont à la limite du dépôt de bilan et du découragement moral, d’autant que c’est à eux qu’incombe aussi de perdre de l’argent avec les non-piquées. Nous n’avons pas en France de médias comme Castilla La Mancha ou Canal Sur qui sponsorisent des cycles de novilladas  Si les grandes arènes ne comprennent pas  que c’est leur rôle de promouvoir les jeunes toreros et les petits élevages, il n’y aura plus de novilladas. On trouvera des toreros en Espagne pour monter des corridas, mais les spectacles dits mineurs sont aussi le creuset de l’Aficion de demain par les spectateurs qui y découvrent la tauromachie. Je ne donne pas cher de la survie de la corridas de toros si on laisse s’épuiser les bonnes volontés et les ressources financières des clubs taurins organisateurs.


 Si les novilladas piquées ou non ont apporté leur lot de satisfactions, les corridas du Sud Ouest ont déçu les aficionados. Peu d’originalité dans des cartels souvent copiés collés d’une Féria à l’autre, des toros manquant de moteurs et de fond il est difficile de désigner la corrida de l’année. Des quatre grandes férias, Dax a tiré son épingle du jeu avec quelques faenas ou bichos isolés dont un très bon Victorino lors du solo de Juan Bautista et deux Pedrazas encastés. Vic a connu une année sans avec une concours tristounette et des Pedraza très attendus mais manquant de forces et de fond. A Mont de Marsan,  les prestations honorables des La Quinta et sérieuses des Dolorès n’ont pas compensé la présentation et le manque de race des toros destinés aux toreros vedettes. 
Il y a bien eu un indulto à Dax. Mais quel crédit peut-on accorder à la grâce d’un Santiago Domecq monstre de noblesse mais très discret et ménagé au premier tiers ? 

Ginès Marin  a su mettre en évidence la noblesse du toro en le toréant sur le voyage et en rajoutant quelques adorños. Il a ensuite avec une certaine démagogie sollicité le public en vue d’éviter de tuer et de perdre les trophées à l’épée. La présidence a commis l’erreur de ne pas faire sonner les avis, le ganadero a regardé le palco et le mouchoir orange a fini par être sorti. Le torero a réussi son coup et on a pu lire que la faena a été récompensée par un indulto.  On va tout doucement évoluer vers des corridas à la Sud Américaine avec des toros indultés sans avoir été piqués puisque là bas on gracie même au rejon.  Ne tombons pas dans le panneau, l’indulto sert aujourd’hui essentiellement le marketing de certains toreros et permet à d’autres de se déculpabiliser de venir sur les gradins. Il n’y a jamais eu autant de vueltas et d’indultos alors que le niveau du bétail est en baisse. Aujourd’hui on considère comme exceptionnel un animal qui a juste le comportement attendu d’un toro bravo. A force de manger chez Mc-Donald’s, on finit par considérer un plat de pâtes au jambon comme le summum de l’art culinaire.

Des cartels « répétitifs » et répétés d’une Féria à  l’autre ont distillé pas mal d’ennuis sur les gradins. Manzanares, Talavante manquent soit de motivation soit de chance au sorteo. Le Juli continue à abuser de ses estocades périphériques face aux sempiternels Garcigrande. Il finit par se mettre à dos le public même quand, à son dernier bicho montois, il nous rappelle qu’il est un technicien hors pair.
Enrique Ponce est un très grand torero. Il est capable de toréer n’importe quel toro. Il est en fin de carrière et, comme les vieux joueurs de rugby, il  joue sur son expérience et s’économise. Il toréé sur le pico et place ses spécialités (poncinas, abanico et autres) au bon moment pour se mettre la majorité du public dans la poche. En patinage artistique, il a toujours existé une prime au champion sortant. De même Ponce bénéficie d’une protection et d’une bienveillance de la part de certains organisateurs, présidence et même du public. En toréant à minima, il coupe des doubles trophées   là où d’autres auraient du se contenter de vuelta. Il pourra profitant du système prolonger encore sa carrière, triompher dans tous les ruedos en n’étant qu’un ersatz du sublime maestro qu’il est capable d’être, dommage……

Heureusement deux toreros ont bousculé la hiérarchie établie.  Emilio de Justo continue son ascension. Il a montré son courage, sa classe et son sens de la lidia quasiment à chacune de ses sorties. Il a forcé le respect quand il a toréée en s’investissant à fond en mémoire de son père décédé dans la nuit précédant la course de Victorinos montois. 

Son triomphe madrilène va lui ouvrir les portes des grandes arènes espagnoles. On ne le verra plus dans les placitas qui lui ont permis de revenir au premier plan. Tant mieux pour lui, ainsi vont les choses de la vie taurine.
Daniel Luque est le torero qui a marqué la temporada 2018 dans le Sud-Ouest. Exceptionnel à La Brède, il a enchainé les bonnes prestations de Gamarde à Bayonne. Luque est pétri de talent mais a gâché par son caractère impossible une carrière qui aurait du le conduire au rang de figura. On va le voir souvent en France en 2019. Espérons que Jean-François Pilès arrivera à le mentaliser et à le réguler  le torero de Gerena pour qu’il puisse capitaliser sur son excellente temporada 2018.


Roca Rey a sauvé toutes les corridas auxquelles il a participé mais il a aussi pris de trop nombreux coups.
Juan Bautista, marqué par la mort de son père et sa décision de se retirer des ruedos, a été en retrait par rapport à son exceptionnelle temporada 2017. Il est à créditer d’une grande faena face au Victorino de son solo dacquois.
Sébastien Castella se bonifie avec le temps. Il a été très régulier au long de la faena et sera un des  hommes de base des cartels de la prochaine temporada.
Les figuras monopolisent les cartels et déçoivent. Et pourtant il y a un grand nombre de toreros qui ne demandent qu’à toréer. On a peu ou pas vu les Urdiales, Aguado, Chacon, Garrido, Galdos, Ureña, Marin, Alamo et surtout le grand espoir qu’est Alvaro Lorenzo. Et pourtant, ils ont été très intéressants chaque fois qu’ils ont l’occasion de se montrer dans le Sud-Ouest. Messieurs les organisateurs, cherchez l’erreur.
 Thomas Dufau a du mal à convaincre et à monter d’un cran dans la hiérarchie taurine. Espérons que l’oreille coupée à Madrid provoque ce déclic nécessaire et qui se fait attendre depuis plusieurs saisons.
Juan Leal est toujours aussi courageux et a payé son engagement au prix fort. Il a triomphé devant des élevages de respect, (Valverde, Miura) Sa tauromachie a évolué.
Il a une tauromachie très personnelle qu’il exprime dans toutes ses faenas. Mais depuis quelques temps, quand c’est nécessaire, il donne  de la distance aux toros en début de ses faenas. Ses  faenas  prennent alors une autre dimension. A suivre,   


Difficile de finir cette analyse sans parler de ce mal qui ronge la corrida : la musicomania de certains. La corrida est une fête, la musique en est un élément. Mais elle doit rester à sa place. Celui qui risque sa vie, c’est le torero pas le chef de la banda. La musique pendant les faenas est là pour accompagner la partition du torero comme l’orchestre accompagne le chanteur à l’opéra. Le morceau choisi doit être en adéquation, en harmonie avec la personnalité du torero et ce qui se passe sur le sable du ruedo.  Pierre Richard ne descend pas les escaliers de l’aéroport dans le « Grand Blond » au son d’une marche funèbre.  L‘orchestre du « Titanic » ne sombre pas au son de « Il était un petit navire ».
Halliday, cet exilé fiscal anti taurin, n’a pas sa place dans une arène, Dassin non plus. Rendez nous nos pasos-dobles, jotas et valses. Et surtout que chacun reste à sa place. Que ne se reproduise plus  ces moments grandguignolesques que nous avons vécu  à Eauze avec un toro agonisant autour duquel un cavalier (Cartagena) faisait de l’équitation de cirque pendant que le public tapait dans les mains pour accompagner un ténor chantant Clavelito.

Moins grave, mais tout aussi exaspérant, la dernière corrida des fêtes dacquoises est parasitée par le concert final des bandas. La majorité du public vient pour la conclusion musicale de la Féria et n’a que faire de ce qui se passe en piste. Le lleno est assuré que l’affiche soit bonne ou pas donc le cartel est souvent très faible. Et si, comme l’an passé, il se passe quelque chose en piste avec des toros intéressants et/ ou des toreros motivé,  le public est aussi amorphe qu’un groupe de collégiens à la Comédie Française. Il est grand temps de dissocier l’Agur de la corrida.  

Ainsi se termine ce bilan de 2018 ; Pour 2019, on fait comme d’habitude, on croit au Père Noël chaque fois que l’on va aux arènes. Les  cornes seront plus solides (ou limpias) que celles des toros combattus cette année, les piques montées à l’endroit, les estocades en place et les toros braves, nobles et encastés.

Thierry Reboul

Johnny Halliday n'est plus exilé fiscal, il est mort! Et son fils vient chanter à Benquet!
isa du moun





Commentaires

  1. surtout que c est Johnny Hallyday et pas Halliday !!!!!
    pour le reste sur la musicomania et l'Agur de Dax entierement d 'accord avec toi !

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  2. Thierry et moi parlons mal le Belge...

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